C'est le premier décès confirmé au cours des manifestations en faveur de M. Sonko qui ont suivi son placement en garde à vue mercredi, officiellement pour les troubles à l'ordre public qu'il aurait causés en se rendant en cortège au tribunal où il était convoqué.
M. Sonko, 46 ans, devait être entendu sur des accusations de viols et menaces de mort déposée contre lui par une employée d'un salon de beauté dans lequel il allait se faire masser pour, dit-il, soulager ses maux de dos.
Personnalité au profil antisystème et au discours impétueux, le député réfute ces accusations, dévoilées début février dans la presse. Il crie au complot ourdi par le président Macky Sall pour l'écarter de la prochaine présidentielle. Le président a démenti.
"Il y a un décédé parmi les manifestants à Bignona", en Casamance (Sud), a indiqué à l'AFP un commandant de la gendarmerie.
Les manifestations "ont donné lieu à des actes regrettables de vandalisme et de violence, ayant malheureusement conduit à une mort d'homme en la personne de Cheikh Ibrahima Coly", a confirmé le gouvernement, en condamnant "fermement les actes de violence, les pillages et destructions", alors que le pays ouest-africain est réputé pour sa stabilité.
"Nous exigeons une enquête indépendante pour faire la lumière sur les circonstances du décès du jeune Cheikh Coly, 20 ans" à Bignona, avait auparavant tweeté le directeur d'Amnesty International Sénégal, Seydi Gassama.
Des heurt ont été rapportés dans d'autres villes, y compris en Casamance, où M. Sonko, troisième de la présidentielle de 2019 et pressenti comme l'un des principaux candidats à celle de 2024, bénéficie d'un fort soutien.
A Dakar, des groupes de jeunes et les forces de l'ordre avaient échangé mercredi des jets de pierres et des tirs de gaz lacrymogènes. Les médias et les réseaux sociaux ont rapporté le pillage de magasins.
Les heurts se sont poursuivis jeudi, notamment sur le campus de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, où des dizaines d'étudiants affrontaient en fin d'après-midi les policiers en leur lançant des morceaux de parpaings, selon des journalistes de l'AFP.
Sonko devant le juge vendredi
Dans la soirée, le Conseil national de régulation de l'audiovisuel (CNRA) a annoncé suspendre pour 72 heures le signal de deux télévision privées, Sen TV et Walf TV, à qui il a reproché la diffusion "en boucle des images de violence".
Le gouvernement "met en garde contre la couverture tendancieuse des événements par certains médias, de nature à attiser la haine et la violence", a-t-il aussi dit dans son communiqué.
Jeudi soir, le siège de médias jugés proches du gouvernement ont été visés par des manifestants en colère.
"Nous avons été attaqués à coup de cocktail molotov et de grosses pierres. Les assaillants étaient nombreux. Ils ont cassé des véhicules et des vitres. Nous avons utilisé dès extincteurs. L'attaque a duré au moins un quart d'heure", a déclaré à l'AFP Daouda Mané, directeur des rédactions du quotidien gouvernemental Le Soleil.
Un journaliste de la radio RFM, appartenant au groupe de presse privé du chanteur et ancien ministre Youssou Ndour, El Hadji Assane Guèye, a fait état de "dégâts importants", dont "au moins une voiture brûlée", aux abords de sa rédaction.
Les avocats d'Ousmane Sonko ont pour leur part indiqué à l'AFP que le député était à nouveau attendu au tribunal vendredi. "Il sera conduit demain de gré ou de force chez le magistrat instructeur", a déclaré l'un d'eux, Abdoulaye Tall.
Lors de sa garde à vue, le député a gardé le silence pour "protester contre les violations" de ses droits, selon un autre de ses avocats, Cheikh Khouraissy Ba.
Le ministre de l'Intérieur Antoine Félix Abdoulaye Diome a justifié l'arrestation de M. Sonko par l'interdiction des rassemblements édictée à cause du Covid-19 et par un plan de circulation mis en place par les autorités.