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Une journée sans presse très suivie au Sénégal pour alerter sur les difficultés des médias


Le Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse au Sénégal dénonce une liberté de la presse "menacée au Sénégal". (photo d'archives)
Le Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse au Sénégal dénonce une liberté de la presse "menacée au Sénégal". (photo d'archives)

La grande majorité des médias sénégalais ont suivi mardi le mot d'ordre de la "journée sans presse" pour alerter sur les mesures fiscales et économiques des nouvelles autorités qui leur font craindre pour leur survie.

La quasi-totalité des journaux n'est pas parue mardi. Les radios privées RFM et iradio, deux des principales du pays, ont diffusé de la musique à l'heure du journal de la matinée, a constaté l'AFP.

Des télévisions privées comme TFM, ITV et 7 TV reprennent les visuels et les slogans des éditeurs de presse – trois poings brandis enserrant un crayon, couplé du slogan "journée sans presse" – pour marquer leur solidarité. Quelques journaux ont choisi de ne pas respecter le mouvement, comme le quotidien pro-gouvernemental Le Soleil et les journaux WalfQuotidien et Yoor Yoor, dont la ligne éditoriale est favorable au pouvoir. Les chaînes de télévision RTS et Walf TV ont aussi continué à émettre.

Le Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse au Sénégal (Cdeps, patronat), qui regroupe des éditeurs privés et publics, a indiqué que la liberté de la presse "est menacée au Sénégal", dans un éditorial commun publié lundi par la presse locale. Il met en cause les autorités au pouvoir depuis avril, notamment pour le "blocage des comptes bancaires" des entreprises de presse pour non-paiement d'impôt, la "rupture unilatérale et illégale des contrats publicitaires", le "gel des paiements" dus aux médias.

"Harcèlement fiscal"

Mardi matin, les journalistes de la radio RFM se sont retrouvés pour discuter du mouvement et préparer les sujets pour le reste de la semaine. "Les nouveaux pouvoirs publics appuient sur l'accélérateur pour une mise à mort des médias privés, juste pour éteindre les voix critiques", s'insurge Babacar Fall, directeur de l'information. "La pression fiscale se transforme en harcèlement fiscal alors que les entreprises de presse sénégalaises sont par définition déficitaires", estime-t-il. "On nous réclame des impôts alors qu'on n'a même pas assez d'argent pour payer les salaires."

Ana Rocha, une des journalistes, dit "se retrouver dans le combat" porté par les patrons de presse. "C'est une question de survie", affirme-t-elle, en notant que plusieurs de ses confrères ont été placés en chômage technique. "Cette situation crée des angoisses. C'est difficile de se dire que du jour au lendemain, on peut perdre son emploi", confie-t-elle à l'AFP. Elle espère que cette journée pourra servir de déclic pour que les autorités appellent les patrons de presse à la table de négociations.

Au Sénégal, le secteur des médias est confronté depuis longtemps à des difficultés économiques, les acteurs dénonçant des conditions de travail précaires. L'éditeur de deux quotidiens sportifs parmi les plus lus dans le pays, Stades et Sunu Lamb, a suspendu fin juillet leur parution, après plus de vingt ans d'existence, à cause de difficultés économiques.

Précarité

Face à un kiosque à journaux du centre de Dakar, Homère Badiane, 70 ans, a de l'empathie pour les acteurs de ce mouvement. "Quand vous vous sentez lésé, c'est normal de défendre (vos) intérêts", dit-il.

Au contraire d'Ousmane Baldé, 38 ans, venu spécialement acheter les trois seuls journaux publiés mardi par "solidarité". "Du temps de Macky Sall, lorsque les forces de l'ordre gazaient ou emprisonnaient certains journalistes, personne ne pipait mot. Aujourd'hui, il y a un retour de bâton. On leur demande de payer l'impôt et ils s'offusquent de cette mesure", peste-t-il.

Au Sénégal, 26% des reporters sont dépourvus de contrats de travail et des entreprises de presse traînent de lourdes dettes fiscales sur fond d'une crise de confiance entre les médias et le public, selon l'ONG Reporters sans frontières (RSF).

Le Premier ministre Ousmane Sonko, nommé par le président Bassirou Diomaye Faye qui a pris ses fonctions début avril, a dénoncé fin juin les "détournements de fonds publics" auxquels se livreraient selon lui certains patrons de presse qui ne versent pas leurs cotisations sociales. "On ne va plus permettre que des médias écrivent ce qu'ils veulent sur des personnes, au nom d’une soi-disant liberté de la presse, sans aucune source fiable", a-t-il aussi déclaré le 9 juin.

Depuis 2021, le Sénégal a reculé de la 49e à la 94e place au classement mondial de la liberté de la presse de RSF. L'ONG avait exhorté début juin le nouveau pouvoir à agir en faveur de la liberté de la presse après trois années d'agressions et d'arrestations de journalistes ou de suspensions de médias sous la présidence de Macky Sall.

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