Les parlementaires se réunissent en session extraordinaire à 12H00 GMT au Cap. Si plus de 50% d'entre eux jugent la sombre affaire de cambriolage qui le poursuit depuis juin suffisamment grave, une procédure sera lancée, pour examiner l'affaire de plus près.
M. Ramaphosa, 70 ans, qui a fait fortune dans les affaires avant d'accéder à la fonction suprême, est accusé d'avoir caché à la police et au fisc un cambriolage dans sa propriété de Phala Phala située à deux heures de Pretoria, où il élève des bovins rares.
Ce jour de février 2020, des intrus sont repartis avec 580.000 dollars dénichés sous les coussins d'un canapé. Le fruit de la vente de vingt buffles, affirme le président. De l'argent sale, selon la plainte déposée en juin par un opposant politique. M. Ramaphosa n'est pour l'heure pas inculpé, l'enquête de police se poursuit.
Un rapport parlementaire, rédigé par trois juristes, a conclu fin novembre que M. Ramaphosa "a pu commettre" des actes contraires à la loi dans le cadre de cette affaire. C'est sur cette base que le Parlement doit se prononcer.
"Il ne s'agit pas de déterminer aujourd'hui de la culpabilité ou non du président", a insisté mardi matin le chef du principal parti d'opposition (DA), John Steenhuisen. "Mais d'ouvrir le champ, d'appeler des témoins, c'est important que le Parlement puisse examiner cette affaire".
"Nous n'allons pas nous laisser dicter notre conduite par un rapport qui n'a pas été objectif. Nous ne nous laisserons pas intimider", a prévenu de son côté la ministre de la Communication, Khumbudzo Ntshavheni, en arrivant au Parlement. "L'ANC va voter en nombre" contre l'ouverture d'une procédure de destitution.
"Serrer les coudes"
Ce débat parlementaire déterminant pour l'avenir du président, que les Sud-Africains appellent "Cyril" et qui reste très populaire en dépit de soupçons d'évasion fiscale ou de banchiment, intervient trois jours avant une réunion cruciale du Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis la fin de l'apartheid. Le parti doit élire en fin de semaine son prochain leader et potentiel futur chef de l'Etat, en cas de victoire aux élections générales de 2024.
Cyril Ramaphosa, qui a déposé un recours auprès de la plus haute juridiction du pays pour faire invalider le rapport l'accablant, est candidat à la présidence du parti, qui choisit les chefs d'Etat depuis trente ans, face à son ancien ministre de la Santé. Les caciques de l'ANC, en l'absence de successeur crédible, lui ont apporté un soutien officiel pour le sauver. Ils ont appelé les parlementaires à voter mardi contre une procédure de destitution.
L'ANC étant largement majoritaire à l'Assemblée avec 230 députés sur 400, la possibilité d'un départ forcé qui exigerait in fine un vote à la majorité des deux tiers, est peu plausible.
"Le plus probable est que les députés suivent la ligne du parti", estime l'analyste politique Ongama Mtimka. Même si la séance au Parlement risque d'être houleuse, avec une opposition réclamant à cor et à cri la démission de Cyril Ramaphosa depuis plusieurs jours.
L'ANC va-t-elle user de "la tyrannie de sa majorité" écrasante, s'interrogeait l'opposant John Steenhuisen. "Nous ne pouvons pas admettre que Phala Phala s'arrête là, il nous faut des réponses".
Mais c'est le parti de Nelson Mandela qui pourrait faire les frais du scandale. En proie à de profondes divisions et entaché par des affaires de corruption à répétition, l'ANC faiblit dans les urnes depuis dix ans. L'an dernier, pour la première fois de son histoire, il a réuni moins de 50% des suffrages lors d'élections locales.
"Le parti va se serrer les coudes et défendre Cyril Ramaphosa" au Parlement, présage l'analyste indépendant Daniel Silke. Mais en 2024, l'ANC "pourrait perdre le pouvoir". Emmenant l'Afrique du Sud, dirigée par l'ANC depuis l'avènement de la démocratie, en terre inconnue.