Quand Ron Braverman a acheté une boutique de pêche en périphérie d'Hollywood pour la transformer en sex-shop, il n'imaginait pas que, quarante ans plus tard, son fils serait à la tête d'un empire décomplexé du plaisir, devenu un business mondial.
L'entreprise "Doc Johnson", logée dans une zone industrielle de Los Angeles, emploie plus de 500 personnes qui produisent 75.000 sex-toys par semaine. Elle est aujourd'hui numéro 1 du secteur aux Etats-Unis.
Inspiré par les moeurs libérales des Pays-Bas où il a vécu et où ces objets étaient pudiquement qualifiés "d'accessoires maritaux", Ron Braverman lance son enseigne californienne en 1976, à une époque où la vente de sex-toys reste une activité marginale et stigmatisée.
Presque tous les clients sont alors des hommes, aujourd'hui la moitié sont des femmes. Et les produits jadis tabous sont désormais accessibles -- pour certains -- au rayon "santé/bien-être" de grandes enseignes de pharmacies et de supermarchés américains.
"Les gens font beaucoup plus de recherches aujourd'hui sur ce qu'ils veulent, et sur comment ils veulent utiliser" les produits, explique Ron qui a impliqué son fils Chad, 34 ans, dans l'entreprise familiale dès l'adolescence.
"Doc Johnson" produit aux Etats-Unis la majeure partie des 2.500 lignes de produits qu'il propose, alors que 70% des gadgets sexuels vendus dans le monde sont fabriqués en Chine.
De la boutique de pêche, qui vendait initialement quelques sex-toys en toute discrétion, M. Braverman a progressivement retiré hameçons et appâts des étals pour ne se consacrer qu'à ce seul commerce. Et il a ensuite monté une usine de production.
Ce site à North Hollywood offre aujourd'hui un spectacle impressionnant, avec neuf bâtiments qui s'étendent sur 20.000 mètres carrés.
A l'intérieur, des dizaines de moules de vagins, pénis et anus -- souvent créés sur le modèle anatomique d'acteurs pornographiques -- s'alignent sur des étagères.
Le fameux "Rabbit"
Une sculpteuse, qui travaille pour "Doc Johnson" depuis 20 ans, consacre deux à cinq jours à la conception de chaque modèle, s'inspirant de photos, d'objets du quotidien et de sa propre imagination.
Les moules sont coulés puis figés dans l'eau froide. Certains sont teintés à l'aide de colorants alimentaires, tandis que d'autres gardent une couleur chair.
Les employés, principalement des femmes hispaniques, s'affairent à coudre de faux poils pubiens ou à donner un dernier coup de pinceau pour faire apparaître des nuances de couleur de peau.
"Nous avons développé de nombreux nouveaux produits, dont beaucoup de tout premiers modèles", rappelle Ron Braverman.
Le sexagénaire, qui reçoit dans une salle remplie de vibromasseurs et godemichés, énumère les classiques de l'entreprise comme le vibromasseur "Rabbit" rendu célèbre par la série "Sex and the City" ou le récent "Tryst" en silicone, un masseur de "multiples zones érogènes" que le magazine Cosmopolitan a sacré sex-toy du mois en juin.
"Doc Johnson" n'a jamais été inquiété par les législateurs aux Etats-Unis, mais ce ne fut pas toujours le cas de ses clients. Le tabou entourant ce commerce est longtemps resté vif et Chad se souvient qu'à l'école il restait évasif sur le métier de son père, pour éviter que les parents de ses camarades "imaginent qu'on était dans le porno".
Désormais, "les Américains ont évolué, beaucoup comprennent que cela fait partie de l'aspect naturel de la vie", sourit Ron Braverman.
Avec AFP