Le scandale est particulièrement embarrassant pour M. Bio, 56 ans, à l'origine d'une enquête pour corruption visant son prédécesseur, Ernest Bai Koroma, qui a dirigé ce pays d'Afrique de l'Ouest de 2007 à 2018.
En janvier, un site d'informations africaines basé aux Etats-Unis, Africanist Press, a rapporté que son épouse, Fatima Bio, avait dépensé l'équivalent de 2,5 millions d'euros pour une campagne de lutte contre les violences sexuelles et le viol.
Or, souligne l'analyste politique et responsable de l'ONG Campagne pour une bonne gouvernance, la législation sierra-léonaise interdit à l'épouse du président d'utiliser des fonds publics.
Quelques semaines plus tard, le même site a affirmé que le "superministre" David John Francis, un des personnages les plus puissants du pays, avait engagé pour un million de dollars (830.000 euros) de dépenses mal ou non justifiées.
Malgré un sol regorgeant de diamant, la Sierra Leone (7,5 millions d'habitants) est un des pays les plus pauvres de la planète.
L'économie, gangrénée par la corruption, a été dévastée par une guerre civile (1991-2002) qui a fait quelque 120.000 morts. Elle a subi les chocs de l'épidémie d'Ebola en 2014-2016, de la chute des cours mondiaux des matières premières, et depuis 2020 du coronavirus.
L'ancienne colonie britannique était classée 117e sur 180 dans l'indice de perception de la corruption de Transparency International publié en 2020, en progrès constant depuis sa 130e place en 2017.
Plusieurs anciens responsables de l'administration Koroma ont été arrêtés dans le cadre de la lutte contre la corruption et le gaspillage des fonds publics engagée par M. Bio, qui a promis de récupérer des dizaines de millions de dollars volatilisés, selon une commission d'enquête.
Ernest Bai Koroma, 67 ans, a lui-même été interrogé en novembre en un lieu tenu secret après que son audition eut été annulée à deux reprises pour des raisons de sécurité. Il est désormais interdit de sortie du territoire.
"Ouvert les vannes"
Du côté du pouvoir, le gouvernement a suspendu le ministre du Travail, Alpha Timbo, et trois autres responsables en raison de soupçons de corruption liés à une donation chinoise de riz.
Mais en février, l'Agence de lutte contre la corruption a annoncé l'ouverture d'une enquête sur les services mis à la disposition des Premières dames ces dernières années, à savoir son épouse et celle de son prédécesseur.
Selon le site Africanist Press, Fatima Bio a utilisé de l'argent public pour payer des billets d'avion, des chambres d'hôtel et du mobilier de bureau.
L'épouse du président a reconnu avoir reçu des fonds du gouvernement mais réfuté toute malversation. "Je ne suis pas une voleuse", a-t-elle dit, en ajoutant ne percevoir qu'une "fraction de ce que les autres Premières dames africaines reçoivent dans la région".
Le ministre David John Francis a également nié toute action frauduleuse.
"La corruption a perduré, et a même prospéré sous ce gouvernement", accuse Kandeh Yumkella, le chef d'un parti d'opposition, qui réclame une enquête parlementaire.
Dans la capitale Freetown, un étudiant, Lamin Bangura, a expliqué à l'AFP devoir verser des pots-de-vin pour obtenir des services de base comme l'eau ou l'électricité.
"Notre président avait promis de réparer les fuites, au lieu de quoi il a ouvert en grand les vannes de la corruption pour sa famille et ses amis", lâche-t-il.
Le gouvernement sierra-léonais n'a pas répondu aux demandes de réaction de l'AFP.