Dans ces deux pays arabes, les présidents Omar el-Béchir et Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis respectivement 30 et 20 ans, ont été poussés à la sortie en avril par un vaste mouvement populaire et des pressions de l'armée.
En Egypte, qui a vu un président Hosni Moubarak emporté par une révolution populaire en 2011 après près de 30 ans au pouvoir, et un autre, Mohamed Morsi, démis par l'armée en 2013, 62 millions d'électeurs étaient eux appelés à voter sur une réforme permettant au chef de l'Etat actuel, Abdel Fattah al Sissi de prolonger son mandat.
Elu président en 2014, un an après avoir renversé Mohamed Morsi alors qu'il était chef d'état-major de l'armée, M. Sissi, accusé de graves violations des droits humains, a été réélu en 2018, avec 97,08% des voix, sans qu'aucun rival sérieux n'arrive à le défier.
La réforme constitutionnelle lui permet de faire passer son deuxième mandat de quatre à six ans, jusqu'en 2024. Il pourrait ensuite se représenter pour un troisième, ce qui le reconduirait jusqu'en 2030.
Si l'abstention a dépassé les 55%, ceux qui ont voté ont approuvé à 88,83% ces changements constitutionnels.
"J'ai voté oui car le pays est stable et il fonctionne bien", affirme fièrement Mirfat Abdel Fattah, une mère de famille de 50 ans, interrogée par l'AFP.
"La plupart des Egyptiens considèrent qu'ils ont renversé deux présidents, mais que leur qualité de vie a empiré à chaque fois, donc ils ne pensent pas qu'un troisième soulèvement puisse améliorer leur situation", affirme Timothy Kaldas, analyste à l'institut Tahrir for Middle East Policy.
Après la victoire du "oui", la télévision d'Etat égyptienne a diffusé des images de supporteurs de Sissi dansant et chantant place Tahrir, centre de la contestation qui chassa l'ex-président Hosni Moubarak du pouvoir.
"Sans aucun doute, certains soutiennent encore Sissi et croient qu'il a empêché l'Egypte de souffrir le destin de pays de la région, tels que la Libye ou la Syrie", estime M. Kaldas. Ils le voient comme une sorte de "rempart" dans la tourmente régionale.
- Opposition absente ou laminée -
Mais le pouvoir a aussi "fait en sorte que les Egyptiens ne voient pas d'alternative crédible à Sissi afin qu'ils ne commencent pas à imaginer une Egypte gouvernée par quelqu'un d'autre", ajoute l'analyste.
Les divisions de l'opposition et le peu d'espace qui lui est accordé dans les médias expliquent également la victoire du "oui", estiment d'autres analystes.
Dans une lettre publiée peu avant le référendum organisé du 20 au 22 avril, le cabinet d'analyse Soufan Center avançait qu'"il n'y avait que peu d'opposition publique aux changements constitutionnels, résultat probable de la nature oppressive du gouvernement".
Selon Reporters sans frontières, la presse est muselée et au moins 30 journalistes sont toujours emprisonnés en Egypte.
Les autorités se défendent de toute atteinte à la liberté d'expression bien que le pays occupe la 163e place sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse 2019 établi par cette ONG.
Pour Ziad Aql, analyste au Centre des études politiques et stratégiques d'Al-Ahram, le comportement de tout Egyptien célébrant les résultats du référendum est "typique" d'un processus conditionné par le climat politique dans le pays. Et le pouvoir a agi en arrêtant des opposants et des militants ayant tenté une campagne contre les amendements.
"L'absence d'une opposition organisée à Sissi a fait que le pouvoir a occupé tout l'espace public".