Le sommet de la Francophonie s'est ouvert samedi en Tunisie, axé sur la coopération économique en présence d'une trentaine de dirigeants, un "succès" pour le président Kais Saied, 16 mois après son coup de force.
Si cette rencontre de deux jours met officiellement l'accent sur le "numérique comme vecteur de développement", elle sera aussi l'occasion pour les dirigeants occidentaux et africains d'échanger sur des sujets brûlants comme l'invasion russe de l'Ukraine.
De nombreux pays d'Afrique déplorent ce qu'ils perçoivent comme un manque de solidarité internationale avec le continent face à ses propres crises, en constatant que l'Europe s'est rapidement mobilisée en revanche pour venir en aide à l'Ukraine.
Après avoir été accueillis par Kais Saied et la secrétaire générale de la Francophonie, Louise Mushikiwabo, les dirigeants poseront pour la traditionnelle photo de famille avec en toile de fond l'île de Djerba, avant des discours et des travaux à huis clos.
Ce 18e sommet de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) célèbre aussi avec retard les 50 ans d'une organisation fondée en 1970 et forte de 88 membres qui ne sont pas tous francophones, tels que l'Arménie, l'Egypte, les Emirats arabes unis ou la Serbie.
Il coïncide avec la phase finale de la COP27 sur le climat en Egypte et fait suite à une réunion du G20 en Indonésie qui a été dominée par la guerre en Ukraine, pays observateur au sein de l'OIF.
Au total, 89 délégations ou dirigeants ont fait le voyage, dont le Français Emmanuel Macron, le Canadien Justin Trudeau, le président du Conseil européen Charles Michel ou le Sénégalais Macky Sall.
En rencontrant un groupe de jeunes avant le sommet, M. Macron a appelé à une "francophonie d'action" et à "ne pas tomber dans le ronron des sommets". "La Francophonie ne doit pas être un espace institutionnel, ce doit être un espace vivant, de résistance et de reconquête", a-t-il dit.
La réélection pour quatre ans de la secrétaire générale de l'OIF, seule en lice, est au menu des rencontres entre représentants d'un espace de 321 millions de francophones, appelés à devenir 750 millions en 2050.
"Redoubler d'efforts"
Mme Mushikiwabo demandera aux Etats membres de "redoubler d'efforts" face à un recul du français dans les organisations internationales. En dépit de voix critiques, elle a jugé, dans un entretien avec l'AFP, son organisation "plus pertinente que jamais".
Selon un responsable du Canada, poids lourd de la Francophonie, l'organisation "peut être une force positive" sur des questions comme "la paix, la prospérité économique et la consolidation de la démocratie".
Le Canada exprimera par ailleurs ses "inquiétudes" quant à "la participation démocratique" en Tunisie depuis que le président Saied s'est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021.
La tenue du sommet en Tunisie est "un succès" pour son président car elle va "le sortir de son isolement au moins temporairement", selon le politologue français Vincent Geisser, mais il n'éclipsera pas la crise économique et sociale traversée par le pays.
Comme bon nombre de membres de l'OIF, le Québec entend profiter du sommet pour "accroître (sa) présence en Afrique francophone où les occasions d'affaires se multiplient". Le Québec insistera via son Premier ministre François Legault "sur l'importance du français, troisième langue d'affaires dans le monde", selon un communiqué.
Pour la ministre sénégalaise à la Francophonie, Penda Mbow, "on jugera les pays francophones sur leur capacité à réduire la fracture numérique au sein de leur société".
Mme Mbow pronostique aussi un rôle accru de la Francophonie dans la gestion des crises internationales.
Mais pour Alioune Tine, figure de la société civile sénégalaise, l'OIF s'est montrée "totalement impuissante, face à des élections frauduleuses, aux troisièmes mandats (de dirigeants africains, NDLR) et aux coups d'Etat militaires", au Mali, en Guinée ou au Burkina Faso.