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Les illusions perdues d'un héros de la Guerre de Corée sur le sommet Kim-Trump


Des soldats sud-coréens et américains se tiennent du côté sud lors d'une visite de la presse au village frontalier de Panmunjom dans la zone démilitarisée, en Corée du Sud, le 18 avril 2018.
Des soldats sud-coréens et américains se tiennent du côté sud lors d'une visite de la presse au village frontalier de Panmunjom dans la zone démilitarisée, en Corée du Sud, le 18 avril 2018.

Choi Deuk-soo a la sagesse de l'âge et l'expérience d'un homme qui, il y a 65 ans, a neutralisé trois mitrailleuses ennemies dans un assaut héroïque. Aujourd'hui, ce vétéran sud-coréen se fait peu d'illusions quant au rapprochement avec Pyongyang.

Il est à 91 ans un des cinq militaires encore en vie à avoir reçu la médaille Taeguk, plus haute distinction militaire en Corée du Sud, et ce pour cette charge quasi suicidaire à un mois de la fin de la guerre de Corée (1950-1953).

"Je hais toutes les guerres", lâche-t-il à l'AFP dans son appartement d'Incheon, à l'ouest de Séoul, en présentant ses excuses pour son audition défaillante, séquelle d'heures passées à vider des chargeurs de mitrailleuses pour repousser une offensive des troupes chinoises qui épaulaient les Nord-Coréens.

Ce conflit ne se termina pas sur un traité de paix, mais sur un armistice, ce qui fait que le Nord et le Sud sont toujours techniquement en guerre, séparés par la Zone démilitarisée (DMZ).

>> Lire aussi : Un nouveau pas vers le sommet Donald Trump-Kim Jong Un

La péninsule est cependant depuis janvier le théâtre d'une spectaculaire détente, après des années d'escalade liée aux programmes balistique et nucléaire nord-coréens.

Cet apaisement, qui a été illustré par deux rencontres entre le président sud-coréen Moon Jae-in et le leader nord-coréen Kim Jong Un, doit être confirmé par un sommet proprement historique, le 12 juin à Singapour, entre ce dernier et le président américain Donald Trump.

Un événement qui suscite le scepticisme de M. Choi, qui s'est confié à l'AFP avant les rebondissements diplomatiques des derniers jours. M. Trump a annoncé jeudi l'annulation du sommet avant d'indiquer dimanche que des responsables américains le préparaient.

"Pas de repli"

"Je doute que n'importe quel accord avec Kim Jong Un puisse être durable parce que tout ce qui intéresse le Nord, ce sont les récompenses matérielles", explique le vétéran, qui peine à croire que Pyongyang soit prêt à renoncer à ses armes nucléaires ou veuille véritablement la paix.

"Il se peut qu'il faille une nouvelle guerre, peut-être même dans des centaines d'années, pour réunifier les deux parties", ajoute-t-il, entre deux bouffées d'inhalateur pour soulager son asthme.

Voilà longtemps que le nonagénaire a perdu ses illusions. La faute aux échecs des tentatives de paix au cours des six dernières décennies qui ont vu le régime de Pyongyang enraciner son pouvoir et transformer son pays en une puissance nucléaire.

>> Lire aussi : Trump et Kim visent toujours un sommet le 12 juin à Singapour

M. Choi n'a aucune difficulté à se remémorer sa guerre, en particulier ce fameux 30 juin 1953 qui lui valut sa médaille Taeguk.

Ce jour-là, son unité, qui ne comptait plus que 30 des 500 hommes qui la composaient initialement, reçut l'ordre de reprendre la colline 938 à des volontaires chinois.

"Le commandant nous réunit et nous donna des cigarettes, puis il ordonna: +Vous ne faites qu'avancer, pas de repli+. Une mitrailleuse fut installée, menaçant de tirer sur ceux qui feraient machine arrière", se souvient-t-il.

Pour gagner en mobilité, on suggéra aux soldats de laisser les casques et de ne prendre que des grenades. L'état-major remarqua qu'ils pourraient si nécessaire trouver des fusils sur les centaines de corps qui parsemaient le champ de bataille.

"Propos irresponsables"

Sous couvert de la nuit et d'un écran de fumée, M. Choi et ses camarades s'engagèrent.

"J'ai rampé jusqu'à une mitrailleuse et lancé la première grenade, neutralisé une deuxième avec une autre grenade puis la troisième avec les deux grenades qui me restaient", énumère-t-il.

Une fois ces mitrailleuses ennemies anéanties, les renforts ont pu prendre le contrôle de la colline, pour mettre un terme à une offensive d'une heure.

M. Choi n'a pas été blessé mais sur les 30 militaires qui s'étaient lancés à l'assaut des positions ennemies, 25 sont morts.

>> Lire aussi : Le président sud-coréen a rencontré Kim Jong Un samedi

Bien sûr, le vétéran salue la volonté de dialogue de M. Trump. Mais les va-t-en guerre de l'administration américaine l'inquiètent, en particulier le Conseiller à la sécurité nationale John Bolton.

Il y a peu, ce dernier et le vice-président américain Mike Pence ont invoqué le sort funeste du leader libyen Mouammar Khadafi, tué après avoir renoncé à ses armes nucléaires, ce qui eut le don de provoquer la colère de Pyongyang.

"Ce type à la moustache épaisse a presque tout fait capoter avec ses propos irresponsables", dénonce M. Choi en évoquant John Bolton.

Et, surtout, en 65 ans, des espoirs de paix déçus, M. Choi a eu le temps d'en connaître.

"J'ai pensé que c'était une bonne chose", répond-t-il quand on l'interroge sur les bonnes intentions affichées ensemble dans par MM. Moon et Kim dans la DMZ le 27 avril.

"Mais juste après, je me suis aussi demandé combien de temps elles allaient durer, cette fois."

Avec AFP

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