Les Nigérians élisent ce samedi le successeur du président Muhammadu Buhari qui, après deux mandats à la tête du pays le plus peuplé d'Afrique, n'est plus candidat. A l'approche du scrutin, l'agence de sondages Gallup a recueilli les avis des électeurs sur leur priorités pour le prochain chef de l'État.
Seule l'armée inspire confiance
Il en ressort que 94% des Nigérians interrogés sont convaincus que la corruption est omniprésente au sein des agences du gouvernement et que la situation est aussi grave aujourd'hui qu'elle l'était en 2015, lorsque le président sortant Muhammadu Buhari a été élu en promettant de "nettoyer" l'administration publique.
Ce scepticisme du public s'étend à la perception des élections. Selon Gallup, en 2022, seuls 23 % des Nigérians interrogés estimaient que les élections sont gérées honnêtement. Ce chiffre est nettement inférieur aux 34 % qui, en 2018, se sentaient confiants dans les élections au Nigeria.
Gallup a constaté un fort contraste par région dans la perception de la validité des élections. Alors que 46 % des Nigérians du Nord-Est ont exprimé leur confiance, seulement 1 % des personnes interrogées par Gallup dans le Sud-Est étaient de cet avis. La confiance est aussi basse dans la région du Nord-Ouest, où seulement 6 % de personnes interrogées ont dit avoir confiance dans la gestion des élections.
Gallup a également noté que le taux de participation à la dernière élection (2019) n'était que de 35 %, ce qui démontre que les électeurs estiment que le jeu politique est déloyal.
Si l'ensemble du gouvernement est jugé indigne de confiance, il n'en va pas de même pour les forces armées : 69 % des personnes interrogées ont déclaré faire confiance à l'armée nigériane, tandis que 31 % seulement ont exprimé leur confiance dans le gouvernement fédéral d'Abuja.
Faim et crise de logement
Les électeurs se rendent aux urnes avec à l'esprit toute une série de préoccupations liées à l'économie, à savoir les ravages d'une inflation supérieure à 20 % au cours du second semestre de 2022, associée à d'énormes difficultés pour obtenir des billets de banque. Une réalité qui se traduit sur le terrain par l'insécurité alimentaire et une crise du logement.
L'élimination des anciens billets de naira, la monnaie nationale, et leur remplacement ont provoqué de longues files d'attente et des pénuries à travers le pays. Le gouvernement a dû repousser la date butoir à plusieurs reprises - le 10 avril étant la dernière échéance en date, plus d'un mois après l'élection présidentielle du 25 février.
Pour 74 % des personnes interrogées dans l'ensemble du pays, se nourrir correctement a été un défi au cours de l'année écoulée, tandis que 48 % ont dit avoir eu des difficultés pour se loger.
La réalité est encore plus rude dans le sud du Nigeria, où 89 % des personnes interrogées par Gallup ont déclaré avoir eu des moments au cours de l'année écoulée où elles n'avaient pas d'argent pour se nourrir suffisamment. Avec respectivement 85 % et 84 % de réponses affirmatives, les habitants des régions du Sud-Ouest et du Sud-Est ont dit être aussi confrontés au problème de la faim.
L'insécurité persiste
La sécurité est une autre préoccupation des électeurs. Il faut reconnaitre que le Nigeria a eu sa part de terrorisme, de crimes perpétrés par des gangs, des enlèvements contre rançon... autant de maux qui poussent les citoyens à s'interroger sur leur propre sense de sécurité et de paix.
Entre 2015, date de la première élection du président Buhari, et aujourd'hui, la perception de la sécurité a chuté de 10 points, selon les données de Gallup. Cette année, seules 51% des personnes interrogées disent se sentir en sécurité en se baladant la nuit, contre 61% en 2015.
Il y a un fossé remarquable sur cette question entre les musulmans et les chrétiens. Alors que 69 % des musulmans disent se sentir en sécurité lors des balades nocturnes, seuls 39 % des chrétiens interrogés ont dit la même chose.
Gallup a conclu son sondage préélectoral en affirmant ce que beaucoup de personnes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Nigeria, ont dit : le gouvernement doit rétablir la confiance de l'électorat dans ses opérations et dans la gestion des élections. Les autorités doivent aussi s'attaquer aux problèmes endémiques qui nuisent à la sécurité de la population.