Le gouvernement camerounais a déposé à l’assemblée nationale, un projet de loi qui va pénaliser l’outrage à tribu et l’incitation à la haine tribale. Les coupables de ces nouvelles infractions, encourent jusqu’à deux ans de prison et une amende de trois millions de francs CFA.
Les sanctions pénales seront doublées si les coupables sont des fonctionnaires, ou responsables d’une formation politique, membres d’une organisation non gouvernementale. Les médias ne seront pas épargnés par la rigueur de la nouvelle loi.
"Il y a eu des messages de haine qui sont passés par le canal des organes de presse", rappelait déjà à ce propos, le porte-parole du gouvernement René Emmanuel Sadi au sortir du conseil de cabinet du mois d’octobre.
René Emmanuel Sadi a confié que "ma communication visait justement à voir comment faire en sorte que la presse prenne conscience de la nécessité de travailler à la promotion de la conscience nationale".
Les médias vont avoir "un cahier de charge qui indique des obligations de travailler à la consolidation de la conscience nationale", a annoncé M. Sadi.
Selon des observateurs, c’est depuis la tenue de la dernière élection présidentielle en 2018 que la haine, le tribalisme et la stigmatisation éthique se sont invités dans le débat public.
"Lorsqu’on veut déjà conserver ou acquérir le pouvoir, on a toujours une tendance facile à s’appuyer sur le village où sur le groupe ou sur la tribalité", souligne Ernesto Yene, un acteur de la société civile au sein de Initiative citoyenne, "c’est un piège dans lequel, il ne faudrait pas que la population camerounaise tombe", prévient-il.
Sur le champ politique, les actes haineux sont les plus recensés. En raison de leur appartenance politique, certains Camerounais sont voués aux gémonies. Sam Severin Ango, un militant du MRC a été pris à partie le mois dernier dans la région du Sud.
"Il s’agit des gens qui estiment que nous sommes de la région du Sud, mais que nous avons choisi de militer pour un parti qui est présidé par des ressortissants de l’Ouest. On nous a traités de traîtres et je trouve que c’est lamentable qu’on puisse encore avoir de telles agissements".
Le parti au pouvoir, le RDPC tient à se démarquer de cette forte tendance au tribalisme politique. Le parti diffuse abondamment ces derniers temps des messages du vivre ensemble. « personne n’a décidé de lui-même de naître ici au Cameroun, et nous devons tous nous aimer sans distinction de parti ou d’ethnie, nous sommes obligés de le faire parce que nous sommes appelés à vivre dans un territoire qui est le Cameroun", déclare à VOA Afrique Roger Nkodo Dang, député RDPC dans la région du centre.
Mais la société civile camerounaise pense que les bonnes intentions politiques seules ne suffisent pas pour faire taire les démons de la haine et du tribalisme. Un regroupement d’organismes de la société civile dénommée Initiative Citoyenne a lancé une campagne de conception des messages contre le tribalisme et la haine au Cameroun.
"Ces messages qui vont être diffusés, après il y aura également une campagne d’affichage dans les transports publics et une session de formation des blogueurs, des lanceurs d’alertes qui sont les mieux indiqués pour canaliser les uns et les autres sur les dérivés langagières", explique Ernesto Yene.
Le Cameroun va organiser un double scrutin en février prochain pour l’élection des députés et conseillers municipaux, certains Camerounais redoutent que le tribalisme et la haine gagnent en intensité durant cette période.