Aucun tir n'a été entendu mercredi, aucun hélicoptère de combat n'a été vu dans le ciel et les rues retrouvaient petit à petit une activité normale, mais la population, traumatisée, peinait à accéder à l'eau et à la nourriture, a rapporté un correspondant de l'AFP.
Dans le quartier de Jebel (ouest), où les combats ont été parmi les plus violents de vendredi à lundi soir entre forces loyalistes fidèles au président Salva Kiir et ex-rebelles aux ordres du vice-président Riek Machar, la population apeurée n'osait toutefois pas s'aventurer dans les rues.
A l'aéroport, des avions ont décollé, mais les vols commerciaux restaient suspendus. Selon Berlin, les étrangers sont en cours d'évacuation, notamment par l'armée de l'air allemande.
Le gouvernement indien a également affrété un avion pour ses ressortissants tandis qu'un convoi de l'armée ougandaise faisait route vers la périphérie de Juba pour récupérer ses nationaux.
Interrogé par l'AFP, un habitant de Juba souhaitant conserver l'anonymat a assuré que la tension restait palpable dans la ville et évoqué un quadrillage de la capitale par les forces loyalistes.
"Ils patrouillent par groupes de cinq ou dix", dans des pick-ups équipés de mitrailleuses, dans des voitures, à vélo ou à pied, a affirmé cette source. "Mais ils n'embêtent personne".
Aucun bilan des quatre jours de combats n'était disponible, mais la plupart des acteurs s'accordent à dire que "des centaines" de personnes, militaires et civils, dont deux Casques bleus chinois, ont été tuées dans ce déferlement de violence, qui met gravement en péril un accord de paix signé en août 2015.
Le Soudan du Sud, indépendant depuis 2011, est déchiré depuis décembre 2013 par une guerre civile marquée par des massacres inter-ethniques et qui a déjà fait des dizaines de milliers de morts et près de trois millions de déplacés.
Prix plus que doublés
"Ce qui se passe au Soudan du Sud est totalement inacceptable", a déclaré la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma lors d'une réunion à Kigali des ministres des Affaires étrangères des pays de l'Union africaine, préparatoire à un sommet qui doit s'ouvrir dimanche. "Ce sommet doit dire +trop, c'est trop+".
"Les gouvernements et dirigeants existent pour protéger les vulnérables et servir le peuple, non pour être la cause de leurs souffrances", a-t-elle ajouté.
Elle a ensuite dénoncé sur l'ensemble du continent les dirigeants et oppositions ayant "les ressources pour acheter des tanks, des hélicoptères de combat, des mortiers et des lance-roquettes utilisés contre les populations alors qu'il n'y a pas de ressources" pour la nourriture et des médicaments.
Au moins 36.000 habitants apeurés ont dû fuir leurs foyers en raison de la récente flambée de violence et se sont réfugiés dans les installations de l'ONU, les églises et les écoles de la capitale, selon l'ONU.
Juba doit également surmonter un approvisionnement en eau défaillant: la ville, qui abrite plus d'1,5 million d'habitants, compte peu de puits et l'acheminement de l'eau se fait par camions citernes, immobilisés par les affrontements, a rapporté le correspondant de l'AFP.
Sur les marchés, "certains profitent de la situation", a par ailleurs regretté un habitant de Juba, selon lequel "les prix ont plus que doublé".
La directrice du Programme alimentaire mondial (PAM), Ertharin Cousin, a affirmé à l'AFP à Amman, que "trois quarts de la population du Soudan du Sud a besoin d'une assistance humanitaire".
'Ne tuez pas les pauvres gens'
Tandis que l'activité reprenait timidement à Juba, les premiers témoignages de civils pris dans les combats commençaient à émerger.
"Riek Machar, Salva (Kiir), aidez les Sud-Soudanais, nous les enfants n'avons de problème avec personne, alors si vous voulez tuer, ne tuez pas les pauvres gens n'ayant rien à voir avec la politique", s'est exclamé en pleurs Stephen Saba, un jeune garçon disant avoir perdu ses parents et ses frères en raison des combats.
La Croix-Rouge s'était plainte mardi de n'avoir pu accéder qu'à une partie de la ville pour venir en aide aux déplacés. Et le secrétaire général du Conseil norvégien pour les Réfugiés, Jan Egeland, résumait parfaitement mercredi matin la frustration des humanitaires.
"Nous sommes forcés de suspendre nos opérations dans les zones les plus affectées et nous nous inquiétons de la sécurité de notre personnel", a-t-il regretté. "Nous ne pouvons pas aider le Soudan du Sud si ses leaders ne souhaitent pas unir leurs forces pour construire leur nation".
Avec AFP