"Nous rejetons la grève générale annoncée par certains groupes d'opposition", a annoncé le parti al-Oumma dans un communiqué, en référence à l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance du mouvement de contestation, dont le Soudan est le théâtre depuis décembre.
Lui-même membre de l'ALC, al-Oumma est dirigé par l'ancien Premier ministre Sadek al-Mahdi qui avait récemment appelé les manifestants à ne pas provoquer les généraux du Conseil militaire de transition, au pouvoir depuis l'éviction du président Omar el-Béchir le 11 avril après des mois de manifestations populaires à travers le pays.
- "Evolution négative" -
Cette déclaration d'al-Oumma reflète des dissensions au sein du mouvement de contestation, alors que des négociations sur une transition politique avec les militaires sont à l'arrêt.
En réaction à l'impasse dans ces discussions, l'ALC avait appelé vendredi à une grève générale les 28 et 29 mai, se disant "contrainte de recourir à cette action pacifique faute d'alternative".
"Une grève générale est une arme qui ne devrait être utilisée qu'après avoir fait l'objet d'un consensus" au sein de l'ALC, a expliqué al-Oumma, appelant à maintenir "l'unité" au sein de cette alliance.
"Certains ont répondu à l'appel de la grève malgré notre désaccord sur son calendrier et sa préparation", a regretté al-Oumma, à l'issue d'une "réunion d'urgence".
Le parti de M. Mahdi a cependant souligné le droit des Soudanais à faire la grève. Al-Oumma "n'autorise pas les autorités à licencier les travailleurs (grévistes)" exerçant leurs "droits", a-t-il souligné.
Plusieurs corporations professionnelles, allant des banquiers aux médecins, ont répondu favorablement à l'appel à la grève.
Selon l'analyste Faisal Mohamed Saleh, ce rejet de la grève par al-Oumma constitue "une évolution négative qui menace non seulement les relations du parti al-Oumma avec l'ALC, mais également l'unité au sein du parti".
"Le parti va perdre beaucoup (...) et ne pourra pas défendre cette position" auprès des manifestants, ajoute-t-il.
Un autre acteur majeur au sein de l'ALC, le parti du Congrès soudanais, a lui exprimé son adhésion à la grève générale, peu après l'annonce d'al-Oumma.
"Nous sommes convaincus que les Soudanais et les Soudanaises se feront entendre à l'unisson par leur grève, pour dire à tous que le pouvoir civil est l'aboutissement de leurs glorieuses luttes révolutionnaires", a déclaré cette formation.
"Les espoirs de notre peuple de mener à bien les objectifs de la révolution se heurtent au mur d'intransigeance du Conseil militaire", a-t-il ajouté.
- "Arme pacifique" -
Les négociations entre le Conseil militaire et l'ALC ont été interrompues le 20 mai en raison de désaccords sur la composition du futur Conseil souverain, qui doit être mis en place pour gérer la transition.
L'ALC exige que cette instance soit présidée et composée majoritairement de civils. Les généraux souhaitent à l'inverse prendre la tête de cette instance et obtenir la majorité des sièges.
Le Conseil souverain doit se substituer au Conseil militaire pour une période de trois ans, avant la tenue des premières élections post-Béchir.
"Je fermerai mon magasin en solidarité afin que la grève puisse être générale et efficace pour répondre à nos revendications", assure un vendeur, Younis Ali Mohamed, qui manifeste devant le siège de l'armée où les protestataires campent depuis le 6 avril.
"L'ALC utilise sa dernière arme pacifique", estime un autre manifestant, Moubarak Youssef Hassan, qui salue la montée de la pression au sein de l'opposition vers la "grève générale et la désobéissance civile".
"Nous savons que la désobéissance civile est l'une des armes pacifiques les plus puissantes pouvant être utilisées contre tout dictateur dans le monde", ajoute-t-il.
Dans ce contexte d'incertitude politique, le chef du Conseil militaire, Abdel Fattah al-Burhane, se rend dimanche aux Emirats arabes unis au lendemain d'une visite en Egypte, selon un communiqué. Ces deux pays soutiennent les généraux au pouvoir au Soudan.