Depuis la destitution le 11 avril du président Omar el-Béchir, la tension n'a fait que monter entre le Conseil militaire de transition, qui a pris les rênes du pays, et l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation.
Des pourparlers entre les deux camps avaient été suspendus le 20 mai, chaque partie souhaitant prendre la direction de la transition à venir, prévue sur trois ans.
Mercredi soir, dans un hôtel de Khartoum sur les bords du Nil, trois généraux du Conseil, dont Mohammed Hamdan Daglo, et cinq représentants de l'ALC se sont retrouvés en présence des médiateurs de l'Ethiopie et de l'Union africaine (UA), a constaté un correspondant de l'AFP.
Cette rencontre est la première depuis la dispersion dans le sang le 3 juin d'un sit-in de manifestants devant le QG de l'armée à Khartoum, qui a fait des dizaines de morts et provoqué un tollé international.
Les efforts conjoints de l'Ethiopie et de l'UA avait permis d'élaborer un plan de transition. Mardi, les médiateurs avaient invité les deux camps à reprendre les négociations, indiquant que le seul point de contentieux concernait la future instance appelée à diriger la transition.
- "Amnistie" de rebelles -
Après plusieurs heures de discussions mercredi soir, les deux camps se sont mis d'accord pour poursuivre les négociations jeudi.
"Les parties ont mené des négociations responsables", a dit aux journalistes le médiateur de l'UA, Mohamed El-Hacen Lebatt.
"Il a été décidé de relâcher tous les prisonniers politiques et les négociations vont se poursuivre demain", a-t-il ajouté.
Avant la reprise des négociations mercredi, le chef du Conseil, Abdel Fattah al-Burhane, avait prononcé une "amnistie" concernant 235 membres d'un groupe rebelle du Darfour (ouest), "l'Armée de libération du Soudan", une faction qui fait partie de l'ALC.
L'ALC avait dit accepter mercredi une reprise des "négociations directes" à condition qu'elles ne dépassent pas trois jours.
"Nous avons proposé 72 heures. Ni nous, ni le peuple soudanais ne sommes disposés à entreprendre des négociations sans fin", a indiqué lors d'une conférence de presse un meneur de la contestation, Madani Abbas.
Mardi, les médiateurs avaient indiqué que les négociations allaient porter sur l'instance de transition: un "Conseil souverain" constitué de huit civils et sept militaires, selon le plan de transition dont l'AFP a pu obtenir une copie.
Sur les huit civils, sept seraient issus de l'ALC tandis que le dernier serait choisi par les deux camps.
Ce "Conseil souverain" devrait être présidé par un militaire pendant 18 mois, avant qu'un civil ne prenne la relève jusqu'à la fin de la transition, qui doit durer au total trois ans, d'après le document.
"Il est temps pour le Conseil militaire de transition de trouver un accord avec l'Alliance pour la liberté et le changement", a commenté mercredi une porte-parole du Département d'état américain Morgan Ortagus.
Washington soutient "l'appel du peuple soudanais pour un gouvernement de transition dirigé par les civils", a-t-elle ajouté.
La suspension en mai des pourparlers était en grande partie due à la composition de cette instance de transition, chaque partie voulant en prendre la tête.
Ces développements arrivent quelques jours après des manifestations de masse.
- Désobéissance civile -
Dimanche, des dizaines de milliers de personnes ont défilé à travers le pays, malgré un important dispositif sécuritaire et un blocage d'internet pour réclamer aux généraux de céder le pouvoir.
Dix personnes ont été tuées et plus de 180 blessées dans des violences en marge de ces rassemblements, selon les autorités.
Ces morts portent à 136 le bilan de la répression depuis la dispersion du sit-in qui avait fait à elle seule une centaine de morts selon un comité de médecins proche de la contestation. Les autorités évoquent 71 morts depuis le 3 juin.
Les chefs de la contestation ont appelé à la tenue d'une grande manifestation le 13 juillet suivie le lendemain par une campagne de désobéissance civile. Une campagne similaire, menée du 9 au 11 juin, avait quasiment paralysé la capitale.
La contestation au Soudan a été déclenchée initialement par le triplement en décembre du prix du pain dans un pays pauvre à l'économie exsangue.
Les manifestations ont rapidement pris une tournure politique en réclamant l'éviction d'Omar el-Béchir, qui dirigeait le pays d'une main de fer depuis près de trois décennies.
Avec AFP