"Afin d'assurer la gouvernance du pays et la paix sociale, nous nous sommes mis d'accord pour suspendre la procédure du budget (...) de l'Etat", a déclaré le président du Parlement, Allan Rodriguez, lors d'un message à la nation, deux jours après l'incendie, samedi, du Parlement par des manifestants.
Selon M. Rodriguez, le décret qui avalise le budget ne sera pas envoyé au pouvoir exécutif et les parlementaires ont désormais jusqu'au 30 novembre pour approuver un nouveau budget, comme le stipule la loi guatémaltèque. Sinon le budget actuel restera en vigueur.
Le Parlement, où le parti du président conservateur Alejandro Giammattei et ses alliés détiennent la majorité, a adopté le 17 novembre un budget pour 2021 de près de 12,8 milliards de dollars, supérieur de 25% à celui de 2020.
Malgré cette augmentation, ce nouveau budget a suscité la colère de milliers de Guatémaltèques qui sont descendus dans la rue pendant le week-end pour dénoncer le manque de moyens pour lutter contre la pauvreté.
En fin de manifestation samedi, le siège du Parlement a été incendié et près de 40 personnes interpellées. Une autre manifestation, réunissant plusieurs centaines de personnes, s'est déroulée dimanche de manière pacifique.
Certains manifestants ont également réclamé le départ de M. Giammattei, au pouvoir depuis janvier.
Le chef de l'Etat a appelé dimanche "au dialogue et au rassemblement", tout en assurant que les actions violentes de samedi étaient le fait de "groupes minoritaires qui cherchent à imposer un véritable coup d'Etat".
A son tour, M. Rodriguez a accusé lundi les manifestants d'avoir voulu "rompre avec l'ordre constitutionnel", et a qualifié l'incendie du Parlement d'"acte terroriste". Il a toutefois souligné que la suspension du budget devait ouvrir "un espace de discussion".
Le Comité de développement paysan (Codeca), qui avait annoncé qu'il bloquerait lundi les routes importantes du Guatemala, a pour l'heure renoncé. L'Université de San Carlos, la seule université publique du pays, a de son côté appelé à la grève.
- Opacité -
Le Guatemala, qui compte 17 millions d'habitants, est gangrené par la pauvreté, la violence des gangs et une corruption généralisée.
Environ 60% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Avant la pandémie de coronavirus, le pays fournissait, avec le Honduras et le Salvador voisins, un des plus gros contingents de migrants clandestins se jetant sur les routes en direction des Etats-Unis pour fuir la misère et la violence.
Des Guatémaltèques mécontents dénoncent aussi l'opacité des ressources pour faire face à la pandémie du nouveau coronavirus, ou encore la création d'un poste de super-ministre attribué à un jeune proche du président.
Le Parlement a approuvé une enveloppe d'urgence de plus de 3,8 milliards de dollars pour faire face à la pandémie, mais seulement 15% de ce montant ont directement bénéficié aux Guatémaltèques, selon des données officielles et des ONG.
La gestion de la crise sanitaire par le président Giammattei, un médecin de 64 ans, a également été critiquée par l'opposition et des organisations sociales, ainsi que par son propre vice-président Guillermo Castillo.
Le manque de moyens dans les hôpitaux et l'absence de soutien pour les secteurs économiques les plus touchés par les restrictions sont régulièrement dénoncés.
Selon les derniers chiffres officiels, le pays à enregistré près de 120.000 cas déclarés de Covid-19 et plus de 4.000 morts.
Alors que le Guatemala est régulièrement secoué par des scandales de corruption, en 2019 le mandat de la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala (CICIG), créée en 2006 par un accord entre l'ONU et le Parlement, n'avait pas été renouvelé par l'ex-président Jimmy Morales (2006-2020) mis en cause dans une enquête.
L'une des principales révélations de cette commission avait été la fraude douanière qui avait conduit à la démission en 2015 du président Otto Pérez (2012-2015), accusé de diriger un réseau de collecte de pots-de-vin.