Cité par les médias turcs, le Premier ministre Binali Yildirim a indiqué que des militaires turcs étaient entrés à 11h05 (08H05 GMT) dans la région d'Afrine, contrôlée par les Unités de protection du peuple (YPG), et pilonnée par l'aviation et l'artillerie d'Ankara.
L'offensive turque risque de tendre davantage les rapports entre Ankara et Washington, qui a appelé dimanche la Turquie à "faire preuve de retenue". Les Etats-Unis soutiennent en effet une coalition arabo-kurde, dont font partie les YPG, pour combattre le groupe Etat islamique (EI).
Le ministre américain de la Défense, Jim Mattis, a affirmé dimanche qu'Ankara avait prévenu Washington avant de lancer son offensive et estimé que les préoccupations sécuritaires de la Turquie étaient "légitimes".
Exhortant Ankara à mettre fin à son offensive, la France a demandé et obtenu une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU prévue lundi, à huis clos.
Au deuxième jour de cette offensive, baptisée "Rameau d'olivier", l'armée turque, appuyée par 32 chasseurs-bombardiers, a affirmé avoir détruit "45 cibles", dont des abris et des caches d'armes.
Selon M. Yildirim, l'opération a pour but de créer une "zone de sécurité" d'une profondeur de 30 km à partir de la frontière. Les médias officiels turcs ont indiqué dimanche que les forces d'Ankara avaient pénétré de cinq kilomètres en Syrie.
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), 18 personnes, pour la plupart des civils, ont été tuées dans les bombardements turcs depuis samedi. Ankara affirme n'avoir touché que des "terroristes" et accuse les YPG de "propagande".
Dimanche, l'OSDH a fait état de la mort d'au moins onze civils, dont cinq enfants dans des frappes de l'aviation turque.
De son côté, Ankara a accusé les YPG d'être à l'origine de tirs de roquettes contre deux villes frontalières turques. Six roquettes ont frappé dimanche la ville de Reyhanli, faisant un mort --un réfugié syrien-- et 32 blessés, selon son maire. Plusieurs roquettes sont tombées également à Kilis, sans faire de victimes.
Chars turcs 'détruits'
Un correspondant de l'AFP du côté turc de la frontière a vu dimanche quatre pièces d'artillerie turque faire feu en direction de villages de la région d'Afrine, et un convoi de chars et de militaires turcs attendant son tour pour entrer en Syrie.
Le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu a affirmé que les forces pro-Ankara avaient pris "des villages" contrôlés par les YPG dans la région d'Afrine, sans plus de précision.
Les combattants kurdes "vont prendre la fuite et nous les pourchasserons", a lancé le président Recep Tayyip Erdogan lors d'un discours à Bursa (nord-ouest). "Si Dieu le veut, nous terminerons cette opération en très peu de temps".
Un porte-parole des YPG a affirmé qu'une tentative des forces turques pour pénétrer dans Afrin avait été "bloquée" et que deux chars turcs avaient été détruits.
Dans une mise en garde inédite, M. Erdogan a affirmé que quiconque manifesterait en Turquie contre l'offensive "paierait un prix très élevé".
Les forces de l'ordre ont d'ailleurs empêché la tenue de deux rassemblements qui devaient avoir lieu dimanche, à Diyarbakir (sud-est) et à Istanbul, selon des correspondants de l'AFP.
Ankara accuse les YPG d'être la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une rébellion dans le sud-est de la Turquie depuis plus de trente ans et est considéré par Ankara et ses alliés occidentaux comme une organisation terroriste.
Il s'agit de la deuxième offensive turque dans le nord de la Syrie, après celle lancée en août 2016 pour repousser l'EI vers le sud, mais aussi enrayer l'expansion des combattants kurdes.
A la faveur du conflit syrien qui a fait plus de 320.000 morts depuis 2011, les Kurdes syriens, longtemps marginalisés, ont installé en 2012 une administration autonome à Afrine, un territoire isolé des autres zones contrôlées par les YPG plus à l'est.
Aval russe ?
L'offensive turque survient dans la foulée de l'annonce par la coalition internationale anti-djihadistes menée par Washington, de la création d'une "force frontalière" composée notamment de guerriers kurdes, un projet qui a suscité la colère d'Ankara.
Les menaces d'intervention turque avaient suscité l'inquiétude à Washington, pour qui une offensive n'irait pas "dans le sens de la stabilité régionale".
L'incursion turque "pourrait détourner les forces combattantes kurdes, qui sont au côté et très engagées au sein de la coalition" combattant l'EI, a souligné dimanche la ministre française des Armées Florence Parly.
Face à cette offensive turque, Moscou a appelé à la "retenue", mais les analystes estiment qu'aucune offensive majeure ne peut être lancée en Syrie sans l'aval de la Russie, qui contrôle l'espace aérien dans le nord de la Syrie.
Le président syrien Bachar al-Assad a condamné dimanche l'opération turque, accusant Ankara de "soutenir le terrorisme".
Avec AFP