La petite phrase du Secrétaire d'état américain Rex Tillerson, dimanche, qui s'est demandé "quelle relation la Russie veut avoir avec" les Etats-Unis, est symptomatique de ce durcissement du climat.
"Il n'existe aucune option où une solution politique qui pourrait intervenir avec Assad à la tête du régime", a en tous cas assuré dimanche l'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley sur la chaîne de télévision CNN: "Nous pensons qu'un changement de régime est quelque chose qui va arriver", a-t-elle ajouté.
Après des années durant lesquelles Washington, sous Barack Obama, exigeait sans relâche le départ d'Assad, la nouvelle administration ne semblait plus faire une priorité du changement de régime à Damas pour résoudre la guerre meurtrière qui ravage ce pays depuis 2011.
Mais les propos de Mme Haley semblent augurer un possible changement d'approche du président américain Donald Trump après "l'attaque chimique" qui a fait au moins 87 morts mardi, dont des dizaines d'enfants, dans la localité rebelle de Khan Cheikhoun (nord-ouest de la Syrie).
Accusant le régime Assad d'en être l'auteur, les Etats-Unis ont mené vendredi des frappes contre une base aérienne de l'armée syrienne, les premières en plus de six ans de guerre en Syrie.
L'administration Trump a ensuite informé le Congrès qu'elle "pourrait mener des actions supplémentaires".
Radicalisation des positions
Ces frappes américaines ont radicalisé le camp d'en face.
"L'agression contre la Syrie outrepasse toutes les lignes rouges. Désormais, nous réagirons fermement à toute agression contre la Syrie et à toute violation des lignes rouges", a affirmé dans un communiqué la "chambre d'opération conjointe", un organe basé en Syrie qui regroupe la Russie, l'Iran et les forces "alliées" dont le Hezbollah libanais.
Le président iranien Hassan Rohani a appelé Bachar al-Assad pour lui renouveler son soutien et condamner l'attaque américaine, selon l'agence de presse officielle syrienne Sana. Les "allégations selon lesquelles Assad serait derrière cette attaque chimique (de Khan Cheikhoun) sont sans fondement", avait affirmé M. Rohani samedi soir dans un communiqué.
Les chefs des armées russe et iranienne ont exprimé samedi leur volonté de poursuivre leur coopération militaire en soutien au président Assad, "jusqu'à la défaite totale des terroristes et de ceux qui les soutiennent".
L'Iran, la Russie et la Syrie qualifient de "terroristes" tous les opposants au régime syrien.
Pour sa part, le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson s'est interrogé dimanche, deux jours avant une visite capitale à Moscou, sur les réelles intentions de la Russie en Syrie, où elle s'est montrée selon lui "incompétente" pour surveiller l'élimination de l'arsenal chimique de Damas.
Offensive de l'EI contenue
"Clairement ce sont les alliés de Bachar al-Assad", a repris M. Tillerson à propos des Russes dans une interview sur la chaîne ABC. "Je ne pense pas que les Russes veulent une dégradation des relations avec les Etats-Unis, mais il va falloir beaucoup de discussions et de dialogue pour mieux comprendre quelle relation la Russie veut avoir avec nous", a-t-il encore dit.
"Il fallait faire quelque chose", a souligné de son côté sur NBC Nikki Haley, évoquant "l'arrogance" du régime syrien. "Il fallait dire à Assad: +ça suffit+. Et il fallait montrer à la Russie qu'on n'allait plus la laisser couvrir ce régime".
Elle a toutefois ajouté que Washington reste focalisé sur la lutte contre le groupe djihadiste Etat islamique (EI) et sur les moyens de mettre fin à l'influence iranienne dans la région.
Le gouvernement syrien de son côté a rejeté les accusations américaines et souligné qu'il avait ratifié en 2013 la Convention sur l'interdiction des armes chimiques.
Aux termes d'un accord américano-russe, la Syrie était censée avoir détruit son arsenal chimique, mais le régime a été suspecté à plusieurs reprises par la suite d'avoir mené des attaques chimiques.
Sur le front, les forces alliées sous commandement américain et les rebelles syriens ont réussi samedi à contenir une offensive du groupe Etat islamique contre une de leurs bases, près de la frontière jordanienne, grâce notamment à plusieurs frappes aériennes de la coalition.
Avec AFP