Plus de 29 millions d'électeurs en Tanzanie continentale et 556.000 sur l'archipel semi-autonome de Zanzibar, qui constituent ensemble la République unie de Tanzanie (environ 58 millions d'habitants), ont voté mercredi pour élire leur président et leurs députés.
"La Commission a commencé à recevoir les résultats de la présidentielle en provenance de circonscriptions électorales. Après vérification, nous allons commencer à tout moment à partir de maintenant à publier les résultats partiels", a annoncé à la télévision le directeur de la Commission électorale de Tanzanie (NEC), Wilson Charles Mahera.
Depuis l'aube, des membres de la NEC ont proclamé à la télévision nationale les résultats d'une dizaine de circonscriptions législatives, toutes sauf une remportées par le CCM, parti au pouvoir depuis l'indépendance, dont certaines jusqu'ici détenues par des figures de l'opposition.
Parmi elles, le président du Chadema, principal parti de l'opposition, et à ce titre chef de l'opposition au Parlement, Freeman Bowe, qui perd son siège de la circonscription de Haï (Nord), qu'il occupait depuis 20 ans.
Dès mercredi, M. Bowe, qui ne recueille que 23,5% des voix contre plus de 76% pour son adversaire du CCM, avait dénoncé "la violence contre l'opposition" durant le scrutin.
"On ne peut pas parler d'élections. C'est de la violence. Il y a eu de nombreux incidents déplorables à travers le pays. Nous sommes en train de rassembler les détails et nous allons rendre public un rapport sur tout cela. Ce n'est que de la violence contre l'opposition", avait-il déclaré à l'AFP.
"Manigancer des victoires"
Tundu Lissu, principal adversaire à la présidentielle du sortant John Magufuli, 61 ans ce jeudi, avait lui aussi dénoncé la veille des "irrégularités de grande ampleur" à travers le pays, susceptibles de remettre en cause "l'intégrité de l'élection".
Il avait notamment affirmé que les observateurs du Chadema s'étaient vu refuser l'accès à certains bureaux de vote et affirmé que des urnes déjà pleines avaient été découvertes, notamment à Dar es Salaam.
Le président de la NEC, Semistocles Kaijage, a indiqué mercredi qu'aucun cas de bourrage d'urnes n'avait été soumis à son organisme.
"La Tanzanie de Magufuli a élevé l'art de truquer des élections à un niveau inédit, comme de manigancer des victoires écrasantes pour le parti au pouvoir jusque dans les fiefs de l'opposition", a réagi jeudi matin sur son compte Twitter Murithi Mutiga, chercheur pour l'International Crisis Group (ICG) en Afrique de l'Est.
Le populaire chanteur Joseph Mbilinyi, membre du Chadema, qui briguait un troisième mandat de député, échoue face à Tulia Ackson Mwansasu, candidate du CCM.
Seul le Front civique uni (CUF), 2e parti d'opposition à l'Assemblée a remporté jusqu'ici un siège.
L'avocat canadien Robert Amsterdam a demandé à l'Union africaine et au Commonwealth, deux organisations dont la Tanzanie est membre d'enquêter sur "les accusations de fraude électorale, de violences et de violations des droits humains qui ont déligitimé l'élection présidentielle" du 28 octobre.
"Le jour de l'élection nous avons pu voir le président John Magufuli et le pouvoir CCM administrer un coup mortel à la démocratie tanzanienne", déclare l'avocat dans un communiqué publié à Washington.
L'avocat s'inquiète également que le "trucage des élections" débouche sur des protestations, dégénérant en potentielles violences entre partisans de l'opposition et forces de sécurité.
La plupart des médias internationaux n'ont pas obtenu d'accréditation pour couvrir le scrutin en Tanzanie continentale et plusieurs messageries ou réseaux sociaux tels que WhatsApp et Twitter étaient inaccessibles sur l'ensemble du territoire.
Sur l'archipel semi-autonome de Zanzibar, les électeurs choisissaient également, outre le chef de l'Etat et le Parlement de Tanzanie, leurs propres président et députés.
"Nous terminons le comptage. Les résultats de la présidentielle de Zanzibar seront annoncés d'ici 24 heures", a indique le directeur de la Commission électorale de l'archipel (ZEC), Thabit Idarous Faina.