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Tchad : Deby étouffe toute contestation avant son investiture lundi


Le président tchadien Idriss Deby Itno, 20 avril 2016
Le président tchadien Idriss Deby Itno, 20 avril 2016

Le président tchadien Idriss Deby Itno doit être investi lundi pour un cinquième mandat à hauts risques, sur fond de menaces terroristes et de chute des prix du pétrole, après une élection contestée par l'opposition qui a été empêchée de manifester samedi.

Les opposants tchadiens avaient décidé de maintenir le meeting programmé samedi à N'Djamena ainsi qu'une "marche pacifique" dimanche, bien qu'ils aient été interdits par les autorités.

Vers 9H00 (8H00 GMT), les principaux leaders de l'opposition et une centaine de leurs partisans ont convergé sous une pluie battante vers le lieu prévu du rassemblement, dans le 5e arrondissement de la capitale, quadrillé par un impressionnant dispositif de sécurité, a constaté un journaliste de l'AFP.

La police anti-émeute, lourdement armée, est aussitôt intervenue pour les disperser à coups de gaz lacrymogènes. Les figures du Front de l'opposition nouvelle pour l'alternance et le changement (Fonac), récemment constitué pour s'unir face au chef de l'Etat, se sont ensuite repliés au domicile proche du chef de file l'opposition, Saleh Kebzabo.

Contacté par l'AFP, M. Kebzabo n'était pas joignable dans l'immédiat.

Pour justifier l'interdiction des manifestations, le ministre de l'Intérieur Ahmat Mahamat Bachir, avait affirmé jeudi à l'AFP que "la marche est de nature à perturber l'ordre public, déstabiliser la population et intoxiquer l'opinion publique".

Le Fonac a par ailleurs prévu une journée "Ville morte sur l'ensemble du territoire" pour lundi, jour de la cérémonie d'investiture de M. Deby.

La cérémonie doit se dérouler dans un grand hôtel de N'Djamena en présence d'une dizaine de chefs d'Etats africains et d'autres invités comme le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian.

Le Fonac a appelé tous ses militants "à ne répondre à aucune provocation". Ses dirigeants préviennent qu'ils tiendront "le gouvernement responsable de tous les dérapages qui adviendraient".

Vendredi, des opposants avaient aussi annoncé le dépôt devant la Haute cour de justice d'une plainte pour "haute trahison" contre le président tchadien. Parmi les sept griefs invoqués: "prise illégale du pouvoir par la violence", "violation grave des droits de l'Homme" ou encore "détournement de fonds public et corruption".

Malaise grandissant

M. Deby, arrivé au pouvoir par la force en 1990, a été réélu en avril dès le premier tour avec près de 60% des voix, loin devant son premier poursuivant, Saleh Kebzabo (12,77%).

M. Kebzabo et d'autres candidats malheureux contestent depuis cette réélection qu'ils qualifient de "hold-up électoral".

L'opposition a demandé à la communauté internationale à reconnaître "la nature dictatoriale" du régime d'Idriss Deby.

Ils reprochent notamment à la France, ancienne puissance coloniale, de fermer les yeux sur les "violations des droits de l'homme" à l'intérieur du pays, allié actif des Occidentaux dans la lutte contre le groupe islamiste nigérian Boko Haram. La capitale N'Djamena est aussi le QG de l'opération militaire française Barkhane contre les groupes jihadistes au Sahel.

Arrestations et disparitions d'opposants restent fréquentes dans ce pays de 12 millions d'habitants, comme celle en février 2008 de l'ancien chef de l'opposition, Ibni Oumar Mahamat Saleh, dont le corps n'a jamais été retrouvé, et donné pour mort.

Malgré le régime sécuritaire qui laisse très peu d'espace à la contestation, le Tchad a connu depuis le début de l'année des tensions sociales inédites, signe d'un malaise grandissant.

Le viol collectif d'une lycéenne par des fils de dignitaires en février avait provoqué de nombreuses manifestations de colère dans plusieurs villes du pays, sévèrement réprimées par les forces de l'ordre.

Durant la campagne électorale, la société civile a organisé plusieurs marches pacifiques qui ont été chaque fois interdites.

Plusieurs ONG dont Internet sans frontières ont par ailleurs dénoncé récemment la "censure" des réseaux sociaux, coupés dans tout le pays depuis trois mois.

Le pouvoir est également fragilisé par un contexte économique difficile lié à la chute des cours du pétrole. Les fonctionnaires, dont les salaires sont payés avec beaucoup de retard, multiplient depuis des mois les grèves, paralysant l'administration.

Avec AFP

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