Car, dans le même temps, un "pré-dialogue" avec les innombrables groupes armés piétine à Doha, au Qatar, près d'un mois après son ouverture, au surlendemain du retrait de l'un des plus puissants mouvements rebelles, le Conseil de commandement militaire pour le salut de la République (CCMSR).
Le Dialogue national inclusif promis il y a un an par la junte entre les militaires au pouvoir, l'opposition politique et armée et la société civile aurait alors du plomb dans l'aile si les principaux groupes armés ainsi que la plateforme Wakit Tamma, regroupant l'essentiel des mouvements de l'opposition politique, n'y participaient pas.
"Wakit Tamma annonce la suspension de toute négociation relative au dialogue avec la junte et son gouvernement", à qui il reproche notamment "l'enlisement du pré-dialogue de Doha" avec les groupes armés, "la prédominance de violence au sein des forces de défense et de sécurité, (...) les violations systématiques des droits humains", a déclaré mercredi Max Loalngar, le porte-parole de cette alliance de partis et associations de la société civile qui dénonce régulièrement un "coup d'Etat" de la junte il y a un an.
Le jour même de l'annonce de la mort du président Idriss Déby Itno le 20 avril 2021, tué au front contre des rebelles après avoir dirigé 30 ans le Tchad d'une main de fer, son fils, le général Mahamat Idriss Déby Itno, avait pris le pouvoir à la tête d'un Conseil militaire de transition (CMT) de 15 généraux.
Proclamé président de la République de transition, il avait immédiatement dissout parlement et gouvernement et abrogé la Constitution mais promis des "élections libres et démocratiques" dans un délai de 18 mois renouvelable une fois, après un "dialogue national inclusif", plusieurs fois reporté, et finalement prévu pour le 10 mai 2022.
Dès les premiers jours, le nouvel homme fort tchadien avait été adoubé par la communauté internationale, France, Union européenne et Union africaine en tête, son armée étant l'un des piliers de la guerre contre les jihadistes dans le Sahel au côté de Paris.
Toutefois, Paris, l'UE et l'UA avaient demandé que le délai de 18 mois ne soit pas dépassé pour des élections qui devraient donc se tenir à l'automne 2022.
-"Succession dynastique"-
Mais Mahamat Idriss Déby avait déjà donné en juin 2021 un coup de canif à ces engagements en envisageant une prolongation de la transition si les Tchadiens ne sont pas "capables de s'entendre" et remettant à "Dieu" son "destin" personnel lors des élections.
"Nous disons Non à la candidature du président du CMT et à tous les acteurs de la transition, Non à une succession dynastique et clanique du pouvoir", a martelé M. Loalngar, dénonçant "des manipulations à peine voilées tendant à maintenir le CMT en selle au-delà des 18 mois".
Et de dénoncer "une communauté internationale qui s'obstine à soutenir vaille que vaille un régime illégal et illégitime".
"Nous déplorons qu'ils se mettent en marge d'un dialogue qui va dessiner l'avenir du Tchad", a réagi auprès de l'AFP Abderaman Koulamallah, porte-parole du gouvernement nommé par la junte, ajoutant que "les principales forces politiques légitimées par les élections poursuivent leur participation au dialogue".
Wakit Tamma a aussi lancé un appel aux Tchadiens "à se préparer à des actions gigantesques qui seront coordonnées et ciblées dans les jours à venir".
Des marches organisées par l'opposition sont tantôt autorisées, tantôt interdites, alors qu'elles étaient systématiquement proscrites avant la mort du président Idriss Déby Itno.
"Je n’ai pas d’objection à cette décision" d'un retrait des pourparlers, a déclaré à l’AFP Succès Masra, président du parti Les Transformateurs, membre de Wakit Tamma et l'un des plus farouches opposants. "Nous avons toujours prôné le dialogue, les marches sont organisées quand nous n’avons pas d’autre choix. Toutes les options sont sur la table", a-t-il poursuivi.
"Si ce sont des manifestations légales, il n'y a pas de problème, le droit de manifester est un droit constitutionnel", a assuré M. Koulamallah.