Il a battu son Premier ministre Succès Masra qui n'a recueilli que 18,53% des voix, selon ces résultats qui doivent être validés par le Conseil constitutionnel. Peu après l'annonce de ces résultats, des militaires tiraient en l'air à l'arme automatique dans la capitale N'Djamena, de joie et manifestement pour dissuader les gens de se rassembler, ont rapporté des journalistes de l'AFP.
Des personnes effrayées couraient pour se mettre à l'abri ou rentrer chez eux.Dans le centre de la capitale, près du Palais présidentiel, de nombreux partisans de Déby célébraient sa victoire en criant et chantant et klaxonnant dans leurs voitures, recouvertes du drapeau tchadien pour certaines, ont rapporté d'autres journalistes de l'AFP.
M. Masra avait affirmé plus tôt dans la soirée qu'il était élu dès le premier tour en accusant par avance le camp de M. Déby d'avoir truqué les résultats pour le proclamer élu.La compilation des résultats par son propre camp "consacre la victoire au premier tour, celle du changement sur le statu quo", avait annoncé M. Masra dans un long discours sur sa page Facebook. "La victoire est éclatante et sans tache". "Tchadiens, mobilisez vous pacifiquement, dans le calme (...) pour prouver votre victoire", a-t-il lancé.
Ce scrutin doit marquer la fin d'une transition militaire de trois ans et nombre d'observateurs l'estimait il y a encore 10 jours joué d'avance en faveur du jeune général de 40 ans. Mais l'économiste Masra, 40 ans lui-aussi, a surpris tout le monde en rassemblant des foules considérables durant sa campagne, au point de s'enhardir et se dire capable de l'emporter, sinon de pousser M. Déby jusqu'à un second tour prévu le 22 juin.
L'annonce des résultats par l'Agence Nationale de Gestion des Elections (ANGE), composée et nommée par le pouvoir militaire, a été anticipée de 12 jours sur le calendrier officiel, laissant place à toutes les spéculations. Lundi, huit autres candidats ont concouru contre MM. Déby et Masra mais, peu connus ou réputés peu hostiles au pouvoir, il n'avaient aucune chance de grappiller plus que quelques suffrages.
"Pilote et copilote"
Dès l'annonce de sa candidature, Masra indiquait qu'il y participait pour perpétuer l'équipage actuel des "pilote et copilote" (M. Déby et lui, Ndlr) d'un avion en vol "vers la démocratie".
Ses anciens alliés d'une opposition très violemment réprimée et muselée depuis trois ans l'accusaient d'être un "traître" rallié à la junte et dénonçaient une candidature censée donner un "vernis démocratique" à un scrutin "joué d'avance" en faveur du général, afin de prolonger une "dynastie Déby" vieille de près de 34 ans.
Après 30 années à diriger le Tchad d'une main de fer, le maréchal Idriss Déby Itno avait été tué par des rebelles en avril 2021 en se rendant au front, et l'armée avait immédiatement proclamé son fils Mahamat Président de transition à la tête d'une junte de 15 généraux.
Trois ans plus tard, le jeune général tente de faire légitimer sa présidence dans les urnes. Nombre d'observateurs prédisaient jusqu'à récemment qu'il s'agirait d'une formalité, comme pour son père, officiellement élu et réélu confortablement six fois après son coup d’État de 1990.
Mais des ONG internationales ont émis des doutes sur une élection "ni libre, ni crédible" après que la junte eut violemment réprimé, jusque dans le sang, toute opposition et écarté de la course à la présidence les rivaux les plus sérieux du général Déby.
Doutes sur le scrutin
L'existence d'un "système de fraude depuis plusieurs élections" aurait poussé le camp de M. Masra à la méfiance à l'égard de l'ANGE, chargée du décompte des suffrages, assure à l'AFP un cadre du parti de M. Masra, qui requiert l'anonymat.
Au diapason du reste de l'opposition qui appelait à boycotter le scrutin, la Fédération Internationale pour les droits humains (FIDH) s'était inquiétée le 3 mai d'une "élection qui ne semble ni crédible, ni libre, ni démocratique", "dans un contexte délétère marqué par (...) la multiplication des violations des droits humains".
Mercredi, le parti Les Transformateurs de M. Masra a dénoncé des "menaces graves" contre son chef et ses partisans ainsi que "des violences et arrestations arbitraires" contre ces derniers depuis le scrutin, ainsi que des fraudes. Et appelé "le peuple" à "défendre sa volonté exprimée dans les urnes".
Si les partisans de Masra descendaient dans la rue, cela pourrait ouvrir la voie à des violences meurtrières, les manifestations de l’opposition étant systématiquement réprimées dans ce pays sahélien pauvre marqué, depuis son indépendance de la France en 1960, par les coups d'Etat et une multitude de rébellions.
Mahamat Déby avait été adoubé dès sa proclamation par l’armée par une communauté internationale – France en tête – prompte à condamner les putschistes ailleurs en Afrique. Paris entretient encore un millier de militaires au Tchad, considéré comme un pilier de la lutte contre les jihadistes au Sahel, après que les soldats français ont été expulsés du Mali, du Burkina Faso et du Niger.
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