Au Tchad, dans la région du Lac, l’état d’urgence a été décrété le 23 novembre 2015. Mais en raison des attaques meurtrières du groupe islamiste, les habitants ont mis en place des comités de vigilance. C’est le cas par exemple dans la ville de Baga-Sola où s’est rendu notre envoyé spécial Bagassi Koura.
Samedi, c’était le marché hebdomadaire de Baga-Sola. A pieds, à cheval, à dos de chameaux, d’ânes ou même par des véhicules (généralement de fortune), vendeurs, acheteurs et habitants de la région ont convergé en masse vers cette bourgade, chef-lieu du département de Kaya dans l’ouest du Tchad. Le marché, situé au bord du lac Tchad, grouillait de monde.
Pourtant il y a seulement cinq mois, le 10 octobre 2015, plusieurs dizaines de personnes ont été tuées dans ce marché dans trois explosions kamikaze simultanées.
« Il était 15h30 quand le premier détonement s’est fait entendre », se rappelle Dimouya Souapebé, le préfet du département de Kaya, chef-lieu Baga-Sola.
« Baga-Sola n’a jamais eu à l’idée qu’un jour elle allait être attaquée par Boko Haram », dit-il.
Encore bien visible au centre du marché, des restes de hangars calcinés, signe de la puissance des bombes artisanales. A ce jour, c’est l’attaque la plus meurtrière de Boko Haram sur le sol tchadien.
« Nous avions eu sur le coup 43 morts, y compris les kamikazes. 43 morts, 58 blessés », souligne le préfet.
Cette localité est à quelque 200 kms des frontières du Nigeria et du Niger, des zones où sévit le groupe extrémiste Boko Haram. Depuis ces attaques, Baga-Sola a pris des mesures drastiques pour se protéger.
Des groupes d’autodéfense ont été constitués. Leur rôle c’est de parer à toute infiltration des éléments de Boko Haram dans ces localités.
Pour avoir accès au marché, il faut désormais montrer patte blanche aux membres du comité de vigilance postés, dès 6h du matin, sur les principaux axes. Dans cette bourgade poussiéreuse, sous un soleil de plomb, ils procèdent à des fouilles corporelles à l’aide de détecteurs de métaux. Des sacs de légumes, de maïs ou de poisson sont minutieusement inspectés.
« On fouille tout le monde », explique Hassan Ahmat Mahamat, le président du comité de vigilance de Baga-Sola.
« Même si ton frère est dehors, tu vas le fouiller, » dit-il.
« On commence à 6h00, on finit à 18h00. Ça fait six ou sept mois qu’on est ici. Matin ou soir, on est là, mais on n’a rien trouvé (NDLR : de suspect). On est en train de défendre seulement notre pays, notre village.»
Selon le préfet du département de Kaya, Dimouya Souapebé, ce même dispositif existe dans tous les villages de sa circonscription.
« Vous partez aujourd’hui dans tous les villages, quelle que soit la taille de ce village, vous partez dans toutes les villes du département de Kaya, vous y trouverez des hommes armés, pas de fusils – nos populations n’ont pas de fusils – mais ils s’arment en armes blanches », explique M. Dimouya qui se dit fier de leur travail.
« Ils sont devenus très vigilants, comme leur nom l’indique. Et ce sont avec ceux-là qui, aux côtés de nos forces de défense que nous espérons que la sécurité est en train de revenir.»
La région du Lac est hautement militarisée. Sous la menace de Boko Haram l’armée continue son redéploiement dans cette partie du pays placée sous état d’urgence depuis novembre 2015.