Une vingtaine de manifestants, qui marchaient samedi "contre la répression" de la jeunesse dans N'Djamena avant d'être arrêtés, ont été libérés lundi, a annoncé à l'AFP le collectif des Associations et Mouvements de jeunes du Tchad (CAMOJET).
"Le procureur de la République et le directeur de la police judiciaire sont venus nous trouver dans notre lieu de détention à la coordination de la police judiciaire pour nous annoncer que nous sommes libres", a indiqué à l'AFP Hervé Pando, membre de l'une des associations des droits de l'homme, arrêté avec 22 manifestants.
"Pour le moment, le ministère public n'a pas souhaité engager des poursuites contre les personnes arrêtées", a expliqué à l'AFP le procureur de la République, ajoutant "nous ne pouvons que les libérer".
Détenus au commissariat central, les 23 personnes ont été entendues durant le week-end par la police judiciaire. Il leur est reproché d'avoir troublé "l'ordre public, la marche n'ayant pas été autorisée", a affirmé le porte-parole de la police, le colonel Paul Manga.
Le chef de file de l'opposition tchadienne, Saleh Kebzabo, a dénoncé ces arrestations de militants et réclamé leur "libération immédiate" condamnant "fermement ces pratiques anti-démocratiques dignes d'une république bananière".
La marche "avait été préalablement annoncée, le parcours connu et les responsables identifiés. C'est donc une activité légale, qui n'a du reste connu aucun dérapage ni porté atteinte à l'ordre public", a affirmé M. Kebzabo.
"A la veille de l'élection présidentielle du 10 avril 2016, le pouvoir montre une fois encore son vrai visage despotique, qu'incarne le président Idriss Déby Itno", affirme Saleh Kebzabo.
Dans un communiqué conjoint, deux mouvements de la société civile, " Trop C'est Trop " et "IYINA" ("on est fatigués", en arabe local) avaient aussi demandé "la libération immédiate et sans condition des jeunes arrêtés".
La marche, organisée pour protester contre "la répression de toutes formes de violences dont (la jeunesse) est victime depuis 25 ans", intervenait après la dispersion violente par la police anti-émeute d'un sit-in organisé jeudi dans la capitale tchadienne par une centaine de jeunes diplômés devant le ministère de l'Education nationale.
Ils étaient venus exiger leur intégration dans la Fonction publique, alors que la loi de finances pour 2016 suspend toute intégration pour les trois ans à venir.
Le Tchad, dirigé depuis 25 ans par le président Idriss Deby Itno, est classé parmi les 10 pays les plus pauvres du monde malgré sa rente pétrolière, selon l'indice de développement humain (IDH) des Nations unies.
Après la découverte de gisements de pétrole en 2003, les revenus pétroliers lui ont permis de moderniser son armée, de se doter d'un meilleur réseau routier et de construire de nombreux bâtiments publics. Mais l'amélioration des conditions de vie de la population n'a pas suivi.
Les fonctionnaires, notamment les enseignants, font grève régulièrement pour percevoir leurs arriérés de salaire.
AFP