Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a ordonné jeudi, à l'issue d'un ultimatum de 72 heures, le lancement de l'offensive finale contre les autorités dissidentes du Tigré, encerclées à Mekele, la capitale d'un demi-million d'habitants de cette région du Nord de l'Ethiopie.
"La dernière porte de sortie pacifique de la junte du TPLF a été refermée par l'arrogance de la junte", affirme M. Abiy dans un message publié sur ses réseaux sociaux, à l'expiration de cet ultimatum de reddition rejeté par avance par les autorités régionales du parti du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF).
L'armée a reçu l'ordre de "mener la (...) dernière phase" de l'offensive lancée le 4 novembre contre le TPLF - qui défiait son autorité depuis plusieurs mois -, indique le Premier ministre, promettant que "tout sera mis en oeuvre pour que la ville de Mekele (...) ne subisse pas de graves dégâts" et "pour protéger les civils".
Le Premier ministre appelle "les habitants de Mekele et ses environs à déposer les armes, à se tenir à l'écart des cibles militaires et à prendre toutes les précautions nécessaires".
"Tout sera fait pour éviter de cibler les vestiges historiques, les lieux de culte, les institutions publiques et de développement, les domiciles privés", assure-t-il.
Il est impossible de savoir dans l'immédiat si des opérations militaires contre Mekele ont effectivement commencé, le Tigré étant quasiment coupé du monde depuis le début du conflit.
Si selon le gouvernement fédéral éthiopien il s'agit d'une action militaire limitée contre certains membres du TPLF, le TPLF affirme pour sa part que c'est une guerre contre le Tigré dans son ensemble.
Il est difficile de vérifier sur le terrain et de source indépendante des affirmations de l'un et l'autre camp.
"Affaires internes"
A l'orée de la quatrième semaine d'offensive, M. Abiy fait face à des pressions croissantes de l'ONU et de plusieurs pays, inquiets des conséquences sur les civils d'un assaut sur Mekele et de possibles "crimes de guerre", ainsi que des risques que le conflit dégénère en affrontements communautaires dans un pays mosaïque de près de 80 peuples.
Mercredi, M. Abiy a fermement demandé à la communauté internationale de se garder de toute "interférence dans les affaires internes" de son pays.
Le gouvernement fédéral avait également poliment décliné lundi l'offre de médiation dont l'Union africaine (UA) - qui a son siège à Addis Abeba - a chargé les trois anciens présidents mozambicain Joaquim Chissano, libérienne Ellen Johnson-Sirleaf et sud-africain Kgalema Motlanthe.
Mardi, l'ancien premier ministre Hailemariam Desalegn (2012-2018) a écrit dans le magazine américain Foreign Policy que seule une solution militaire fonctionnera et que dialoguer avec les dirigeants du TPLF revient à "ouvrir une boîte de Pandore que les autres groupes ethniques sont prêts à imiter".
Mais Human Rights Watch (HRW) a rappelé que "les lois de la guerre limitaient les attaques aux objectifs militaires" et "imposaient aux parties l'obligation de différencier civils et combattants".
Fer de lance de la lutte armée contre le régime militaro-marxiste du Derg, renversé en 1991, le TPLF a ensuite contrôlé l'appareil politique et sécuritaire de l'Ethiopie durant presque 30 ans.
Devenu Premier ministre en 2018, sur fond de violente contestation antigouvernementale, M. Abiy a progressivement écarté les tigréens du pouvoir à Addis Abeba.
Les tensions n'ont ensuite cessé de croître entre le TPLF, retranché dans son fief du Tigré, et le gouvernement fédéral, jusqu'à l'organisation en septembre au Tigré d'un scrutin qualifié "d'illégitime" par Addis Abeba.