Les dispositifs de sécurité renforcés et les interdictions de circulation mis en place mercredi soir ont été levés jeudi matin aux abords de la présidence où la circulation était normale, ont constaté des journalistes de l'AFP.
La tension y était brusquement montée peu avant 20H00 locales (19H00 GMT) lorsque des tirs nourris ont éclaté, puis duré près d'une heure, en plein centre de la capitale de ce pays pauvre d'Afrique centrale dirigé par une junte militaire et à l'histoire jalonnée de coups d'Etat ou tentatives.
Selon le porte-parole du gouvernement, Abderaman Koulamallah, un groupe de "24 personnes", qu'il a décrites comme "un ramassis de pieds nickelés" drogués et alcoolisés venus en civil d'un quartier pauvre du sud de la ville avec "des armes, des coupe-coupe (machettes, NDLR) et des couteaux", s'est attaqué aux gardes du palais présidentiel, avant d'être rapidement neutralisé. "Il y a eu 18 morts et 6 blessés" chez les assaillants, qui ont tué un garde de la présidence et blessé trois autres dont deux grièvement, a-t-il précisé mercredi soir.
Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux et présentées comme filmées par les militaires à l'entrée de la présidence montraient des forces de sécurité tchadiennes circulant entre de nombreux cadavres ensanglantés étendus sur un sol jonché de tâches de sang. D'autres sont vivants et assis au sol, ligotés. Tous sont apparemment de jeunes hommes en habits civils (jeans, shorts ou jogging, chemises, T-shirts, baskets), parfois en guenilles, entre deux mares de sang.
"La situation est totalement maîtrisée. (...) Toute cette tentative de déstabilisation a été éradiquée", a ajouté M. Koulamallah en milieu de soirée dans une vidéo publiée sur Facebook depuis le palais présidentiel, où il apparaissait arme à la ceinture au milieu de forces de sécurité. Interrogé ensuite sur la télévision nationale, le porte-parole du gouvernement a estimé que l'attaque n'était "probablement pas terroriste".
"Montage"
Le chef de l'Etat, Mahamat Idriss Déby Itno, se trouvait au palais au moment de l'attaque, a indiqué à l'AFP M. Koulamallah, sans plus de précisions. Il ne s'est pas exprimé publiquement à ce stade. "Les Tchadiens peuvent dormir sur leurs deux oreilles, notre pays est bien gardé quand même, félicitations aux forces de défense et de sécurité !", avait conclu le porte-parole à la télévision nationale en fin de soirée.
Mais certaines voix dans l'opposition émettaient jeudi matin des doutes sur ce récit officiel. Le porte-parole d'un groupe de parti d'opposition, Max Kemkoye, porte-parole du Gcap (Groupe de concertation des acteurs politiques) évoquait jeudi matin "un synopsis malheureux" et un "montage" orchestré par le pouvoir.
Le porte-parole du gouvernement a indiqué qu'il ferait une déclaration au corps diplomatique accrédité jeudi après-midi. Une déclaration du procureur de la République est également attendue dans la journée.
Les tirs à la présidence ont retenti quelques heures après la visite à N'Djamena du ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, qui a notamment rencontré M. Déby au palais présidentiel. Le ministre chinois avait quitté le pays avant ces événements, selon le gouvernement tchadien, pour aller poursuivre sa tournée africaine au Nigeria.
Après le déclenchement des tirs, toutes les voies menant à la présidence avaient été rapidement fermées à la circulation, et des chars déployés dans les rues, alors que les gens présents aux alentours, visiblement inquiets, s'empressaient de rentrer chez eux.
Le Tchad a annoncé par surprise fin novembre dernier qu'il mettait fin à l'accord militaire entre Paris et N'Djamena, après soixante ans de coopération militaire entamée à la fin de la colonisation française.
Le pays a achevé en mai dernier trois années de transition avec l'élection de Mahamat Idriss Déby, porté au pouvoir par une junte militaire après la mort de son père Idriss Déby, tué par des rebelles au front en 2021. Les forces tchadiennes sont régulièrement attaquées par les jihadistes de Boko Haram, notamment dans la région du Lac Tchad (ouest). Fin octobre, le président Déby y a "personnellement" lancé et dirigée une opération antijihadiste pendant deux semaines.
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