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Mystère autour de la mort suspecte d'un officier supérieur togolais


Des policiers anti-émeutes montent la garde avant une manifestation devant le Collège Saint Joseph à Lomé, au Togo, le 28 février 2020. REUTERS/Luc Gnago
Des policiers anti-émeutes montent la garde avant une manifestation devant le Collège Saint Joseph à Lomé, au Togo, le 28 février 2020. REUTERS/Luc Gnago

L'enquête ouverte en mai après la mort suspecte d'un officier supérieur de l'armée togolaise au lendemain de l'investiture du président Faure Gnassingbé, piétine toujours, suscitant la suspicion de la société civile.

Le lieutenant-colonel Bitala Madjoulba, commandant du 1er Bataillon d'intervention Rapide (BIR), avait été retrouvé mort dans son bureau le 4 mai 2020 au matin et l'autopsie du corps avait révélé une blessure par balle.

Ce militaire à la prestigieuse carrière faisait partie du cercle restreint réunissant les hauts gradés les plus proches de Faure Gnassingbé. Le président togolais est arrivé au pouvoir en 2005 après la mort de son père, le général Gnassingbé Eyadéma, qui a dirigé le pays d'une main de fer pendant 38 ans.

Le profil de la victime et les circonstances de sa disparition ont jeté le trouble parmi les Togolais, d'autant qu'aucune piste concrète, personnelle ou professionnelle, n'a pris consistance pour l'instant. "Cet assassinat nous interpelle tous, quelle que soit notre orientation politique", constate le pasteur Komi Edoh, président du Mouvement Martin Luther King (MMLK).

Peu après la mort du lieutenant-colonel Bitala Madjoulba, les médias locaux avaient évoqué la piste d'un "règlement de comptes au sein de l'armée" et les habitants de son village natal Siou - à plus de 500 km au nord de Lomé - ont manifesté à plusieurs reprises pour exiger que "toute la lumière" soit faite sur sa disparition.

Mais plus de trois mois après les faits, rien ne filtre sur le travail de la commission d'enquête conduite par le ministre de la Sécurité, le général Damehame Yark.

"Retenez simplement que la commission fait son travail", a indiqué à l’AFP une source proche du dossier, qui ajoute que "le corps de la victime est toujours conservé à la morgue, pour les besoins de l’enquête".

Responsabilité de l'Etat

Le Togo a également sollicité "l'expertise" de la justice française a précisé le général Yark le 13 juillet à l’AFP.

"La responsabilité de l'Etat togolais est engagée" dans cette affaire, affirme Nathaniel Olumpio, le président du Parti des Togolais (opposition), qui pointe les "défaillances" des autorités : "lorsqu'on assassine un officier supérieur dans son bureau, à l'intérieur d'un camp militaire, cela veut dire que l'État s'est montré incapable de garantir la sécurité des officiers sur leur lieu de travail".

Ce dossier "est une patate chaude entre les mains de la Justice", renchérit David Dosseh, porte-parole du Front Citoyen Togo Debout (FCTD), qui rassemble de nombreuses organisations de la société civile togolaise.

"Il y a eu suffisamment de précédents qui démontrent qu’au Togo, des enquêtes sont ouvertes sans qu'on sache ce qu’elles deviennent par la suite", s'inquiète David Dosseh, qui estime que "plusieurs personnalités proches du régime pourraient être mises en cause" si l'enquête aboutit, bien qu'aucun élément ne vienne pour l'heure étayer cette hypothèse.

Lors d'une conférence de presse, le 7 mai, trois organisations de défense des droits de l'Homme - la Ligue togolaise des droits de l’homme (LTDH), l’Association des victimes de l’impunité au Togo (Asvito) et la Ligue des consommateurs du Togo (LCT) - avaient appelé la famille du lieutenant-colonel Bitala Madjoulba à porter plainte contre l'État togolais, censé garantir la sécurité et l'intégrité des personnes sur son territoire.

"Silence radio"

Un collectif d’avocats a saisi le 10 juillet le Conseil des Droits de l’Homme (CDH) des Nations Unies à Genève, a annoncé samedi à l’AFP Me Mawaba Songue Balouki, avocate au barreau de Marseille, en France.

De nationalité togolaise, celle-ci dit avoir été mandatée par un membre de la famille du gradé pour constituer ce collectif de trois avocats, afin de mettre "la pression internationale" sur l'Etat togolais, pour que "justice soit rendue".

"Nous demandons au Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies d’inviter l’Etat togolais à s’expliquer sur ce dossier, car jusqu'à présent c'est le silence radio", a détaillé Me Balouki.

Plusieurs enquêtes ouvertes par le ministère de la sécurité ces dernières années au Togo et impliquant les forces de l'ordre, n’ont jamais abouti.

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