L'étape la plus longue de cette 111e édition était censée être aussi la plus soporifique, un moment de détente après un week-end sous amphétamines en Italie. Elle va entrer dans les annales pour deux grandes premières qui résonnent bien au-delà des frontières traditionnelles d'un sport toujours très européen.
Que ce soit la victoire extatique de "Bini", héros de tout un continent, ou celle de Carapaz, figure déjà bien installée dans le peloton, elles ont provoqué une émotion immense dans leurs pays respectifs.
"Cela signifie énormément pour moi de devenir le premier coureur noir africain à gagner sur le Tour de France", a souligné Girmay en conférence de presse. "C'est une victoire pour tous les Africains. Maintenant, nous faisons vraiment partie de la plus grande course. C'est notre moment, notre heure", avait-il balbutié, en larmes, quelques minutes plus tôt lors de l'interview protocolaire.
"Ça va être la folie au pays. A l'entraînement, avant le Tour, on m'encourageait partout. Ils me disaient: gagne sur le Tour de France. Là ils doivent être en train de balancer des tables et des téléviseurs dans les bars", a-t-il dit, suivi à Turin comme partout par une petite cohorte de supporters compatriotes émigrés en Europe.
Le natif d'Asmara devient, à 24 ans, seulement le troisième coureur africain, à s'imposer sur les routes du Tour après les Sud-Africains Daryl Impey et Rob Hunter.
Le Tour à la télé avec son père
Il s'est révélé en 2022 lorsqu'il a remporté une grande classique, Gand-Wevelgem et une étape du Tour d'Italie, avant de connaître une saison plus difficile.
Représentant d'un cyclisme en pleine ascension, symbolisée par l'organisation des Mondiaux sur route 2025 au Rwanda, le coureur de l’Érythrée est passé par le Centre mondial du cyclisme, une structure de l'Union cycliste internationale (UCI) à destination des talents de pays moins favorisés.
Il a démarré sa carrière professionnelle, en 2020, dans la formation française Delko avant de rejoindre Intermarché, équipe belge à qui il offre son premier succès sur le Tour.
En Erythrée, où la pratique du cyclisme est arrivée avec la colonisation italienne entre 1885 et 1941, Girmay est déjà un héros qui dépasse le pionnier Daniel Teklehaimanot, porteur du maillot à pois dans le Tour en 2015: "Un moment qui a tout changé pour nous", selon Girmay.
"Mon père regardait tous les jours le Tour de France", a raconté "Bini". "Il allumait la télé juste après le repas et il nous appelait pour nous montrer et dire à quel point c'était difficile. Il nous assurait que c'était le sport numéro 1 au monde. J'ai demandé à mon père si moi aussi je pouvais un jour courir le Tour de France, il m'a dit oui mais à condition de croire en tes chances."
Lundi, Girmay y a cru très fort pour s'imposer au sprint devant le Colombien Fernando Gaviria et le Belge Arnaud De Lie dans un final chaotique avec une importante chute collective à deux kilomètres de l'arrivée qui a notamment éliminé le favori Jasper Philipsen.
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