Critiquée par Berlin et l'ONG Amnesty, cette mesure place une épée de Damoclès au-dessus de tout média implanté en Russie et financé depuis l'étranger, potentiellement amené à rendre des comptes aux autorités russes.
Elle constitue un nouvel épisode des tensions entre Moscou et Washington liées aux accusations d'ingérence russe dans la présidentielle remportée par Donald Trump en 2016.
La loi a été adoptée successivement en deuxième et troisième lecture par la Douma, la chambre basse du Parlement russe, sans qu'aucun député ne s'y oppose.
Elle doit maintenant être validée par la chambre haute, le Conseil de la Fédération, ce qui relève généralement de la formalité, puis promulguée par Vladimir Poutine.
"Aucune atteinte à la liberté des médias russes à l'étranger ne peut rester sans réponse de Moscou", a expliqué aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Formellement, les députés étendent aux médias une loi datant de 2012 qui ne concernait jusqu'à présent que les organisations non gouvernementales. La décision de déterminer quels médias, américains ou d'autres pays, devront s'enregistrer en tant qu'"agent de l'étranger" reviendra au ministère russe de la Justice.
Cette mesure pourra s'appliquer à toute entité "qui distribue des messages imprimés, audios ou audiovisuels" si elle "reçoit de l'argent d'un gouvernement étranger, (...) d'organisations étrangères ou internationales, ou de citoyens étrangers".
Des parlementaires ont estimé que la nouvelle loi pourrait s'appliquer à Voice of America et Radio Free Europe/Radio Liberty, deux radios financées par le Congrès américain, voire aux chaînes américaine CNN ou allemande Deutsche Welle.
Situation désespérée
L'Allemagne s'est dite "préoccupée" par cette loi qui "contredit de manière flagrante les obligations de la Russie en tant que membre du Conseil de l'Europe".
"Nous considérons comme totalement inacceptable que les médias allemands et européens soient désormais concernés à la suite d'une controverse russo-américaine", a déclaré le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert.
La loi de 2012 sur les "agents de l'étranger" oblige les ONG bénéficiant d'un financement de l'étranger et ayant une "activité politique" - une formule aux contours flous - à s'enregistrer sous cette dénomination controversée, qui rappelle celle utilisée sous l'URSS pour qualifier les dissidents.
Cela contraint notamment les entités concernées à donner des informations aux autorités sur leur situation financière, et à préciser dans les documents qu'ils produisent qu'ils sont classés comme tels.
Une autre loi, votée en 2015 et qui complète la première, permet de qualifier d'"indésirables" des organisations étrangères actives en Russie. Elles peuvent ensuite être interdites, qu'il s'agisse d'ONG, de fondations ou d'entreprises.
Plusieurs ONG ont dû renoncer, depuis l'adoption de ces deux lois en Russie, à un financement étranger, qui leur était indispensable, tandis que d'autres ont cessé leurs activités.
"C'est une décision que nous sommes contraints à prendre. Personne ne voulait la prendre et elle n'a pas d'impact sur la liberté de la presse dans le pays", a déclaré le vice-président de la Douma, Piotr Tolstoï, cité par l'agence de presse Ria Novosti
RT a annoncé lundi s'être pliée aux exigences américaines en se soumettant à la loi FARA (Foreign agents registration act), qui oblige toute société représentant un pays ou une organisation étrangère à rendre régulièrement des comptes aux autorités américaines concernant ses relations avec cet Etat ou cette institution, sous peine de voir ses comptes gelés.
Ces exigences avaient provoqué la colère de Moscou, le président Vladimir Poutine dénonçant une "attaque contre la liberté d'expression" qui appellerait une "riposte adéquate et similaire".
Washington accuse RT et l'agence de presse Sputnik, contrôlés par l'Etat russe et qui émettent en plusieurs langues, de relayer la propagande du Kremlin, et les soupçonnent d'avoir tenté d'influer sur la campagne pour l'élection présidentielle de 2016.
La nouvelle loi russe "porte un sérieux coup sur ce qui était déjà une situation désespérée pour la liberté de la presse en Russie", a dénoncé dans un communiqué Denis Krivocheïev, directeur adjoint pour l'Europe et l'Asie centrale d'Amnesty International.
Avec AFP