L'Algérie a annoncé mercredi la mort de trois de ses ressortissants dans un bombardement qu'elle attribue au Maroc. L'incident a eu lieu au Sahara occidental, un territoire au coeur de vives tensions entre Alger et Rabat.
"Trois ressortissants algériens ont été lâchement assassinés par un bombardement barbare de leurs camions alors qu'ils faisaient la liaison Nouakchott-Ouargla", entre la Mauritanie et l'Algérie, a affirmé la présidence algérienne dans un communiqué, précisant que l'attaque avait eu lieu lundi.
Selon la même source, "plusieurs facteurs désignent les forces d'occupation marocaines au Sahara occidental comme ayant commis, avec un armement sophistiqué, ce lâche assassinat".
"Leur assassinat ne restera pas impuni", a affirmé la présidence algérienne dans son communiqué, en rendant hommage aux "trois victimes innocentes de cet acte de terrorisme d'Etat."
Longue d'environ 3.500 kilomètres, la route reliant Nouakchott à Ouargla, dans le sud algérien, longe le Sahara occidental.
La question du Sahara occidental, ex-colonie espagnole considérée comme un "territoire non autonome" par l'ONU en l'absence d'un règlement définitif, oppose depuis des décennies le Maroc, qui contrôle près de 80% de ce vaste territoire désertique, au Front Polisario, réclamant lui un référendum d'autodétermination et soutenu par l'Algérie.
L'Union africaine, qui a admis la "République sahraouie" comme membre à part entière depuis 1982, soutient aussi "l’autodétermination du peuple du Sahara occidental".
"Déstabilisation régionale"
Aucun commentaire officiel des autorités marocaines n'a pu être obtenu dans l'immédiat mais une source marocaine informée a affirmé à l'AFP que Rabat "ne sera jamais entraîné dans une spirale de violence et de déstabilisation régionale".
"Si l'Algérie veut la guerre, le Maroc n'en veut pas", a ajouté la source.
Selon elle, la zone dans laquelle le bombardement aurait eu lieu est "empruntée exclusivement par des véhicules militaires des milices armées" du Front Polisario.
Après de premières informations sur cet incident publiées mardi sur les réseaux sociaux, l'armée mauritanienne avait elle démenti dans un communiqué qu'une telle attaque se soit produite en territoire mauritanien.
Les tensions se sont accrues récemment entre l'Algérie et le Maroc, culminant avec la rupture par Alger de ses relations diplomatiques avec son voisin, fin août.
La crise a éclaté peu après la normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, en échange de la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
Les indépendantistes sahraouis avaient rompu le 13 novembre 2020 un cessez-le-feu conclu en 1991 avec le Maroc, après le déploiement de forces marocaines dans une zone tampon au Sahara occidental.
D'après une source informée marocaine, six soldats des Forces royales marocaines (FAR) ont été tués à la suite de "harcèlements" des indépendantistes du Polisario depuis la rupture du cessez-le-feu.
"Pratiques hostiles"
Le conseil de sécurité de l'ONU a appelé la semaine passée les "parties" au conflit à reprendre les négociations "sans pré-conditions et de bonne foi", en votant une résolution prolongeant d'un an la mission Minurso dans la région.
Mais l'Algérie, opposée à une reprise de négociations sous forme de tables rondes organisées en Suisse, a dénoncé cette résolution comme "partiale".
Autre conséquence de la montée des tensions entre Alger et Rabat, l'Algérie a décidé de ne pas reconduire fin octobre le contrat du gazoduc passant par le Maroc et alimentant l'Espagne en gaz algérien, invoquant "des pratiques à caractère hostile du royaume" voisin.
Depuis 1996, l'Algérie expédiait vers l'Espagne et le Portugal environ 10 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an via le gazoduc Gaz Maghreb Europe (GME).
En contrepartie du transit du gazoduc, Rabat recevait annuellement près d'un milliard de m3 de gaz naturel. La moitié était des droits de passage payés en nature, l'autre du gaz acheté à un prix avantageux, selon des experts du secteur.
Les livraisons de gaz algérien à l'Espagne se feront désormais exclusivement via un autre pipeline, le gazoduc sous-marin Medgaz et sous forme de gaz naturel liquéfié livré par voie maritime.