"En tant que commandant en chef, j'en ai assez que certains dénigrent l'armée et les troupes américaines", a dit Barack Obama, dans une référence à peine voilée à l'homme d'affaires.
Le père du capitaine Humayun Khan, mort en Irak en 2004 en tentant de sauver ses hommes, avait fait un émouvant discours lors de la convention démocrate la semaine dernière et reproché à M. Trump son projet d'interdire aux musulmans l'entrée aux Etats-Unis pour lutter contre le terrorisme.
"M. Khan, qui ne me connaît pas, m'a attaqué vicieusement depuis l'estrade du parti démocrate et continue maintenant à le faire partout à la TV – Sympa !", a asséné le candidat républicain à la Maison Blanche lundi sur Twitter, ajoutant à ses critiques des derniers jours.
Il a notamment insinué que la mère du soldat avait été forcée au silence pendant la convention parce qu'elle était musulmane. Elle lui a répondu dimanche que la douleur de la perte de son fils l'avait empêchée de parler.
Avec ses attaques, Donald Trump a touché un sujet tabou aux Etats-Unis, où les militaires sont perçus comme des héros défenseurs de la liberté et régulièrement honorés.
Se moquer de la mère d'un soldat tué au combat "dépasse les limites", s'est insurgée la puissante association d'anciens combattants américains à l'étranger (VFW).
Il y a à peine une semaine, certains de ses 1,7 million de membres avaient applaudi Donald Trump lors d'une rencontre. Lundi, son président Brian Duffy a taclé le candidat, affirmant que "quand on touche à certains sujets sacrosaints, il n'y a aucun talent rhétorique qui puisse réparer" les dégâts.
Les familles de soldats tués au combat "ont fait un sacrifice que la plupart d'entre nous ne peuvent même pas imaginer", a souligné Barack Obama lors d'un rassemblement d'anciens combattants handicapés à Atlanta (sud-est). "Nous devons tout faire pour les honorer, et faire preuve d'humilité face à elles".
- 'Propos répugnants' -
Et même chez les républicains, des voix outrées s'élevaient : "Il est temps pour Donald Trump de donner l'exemple à notre pays et au parti républicain", s'est ainsi indigné le respecté sénateur John McCain.
Lui-même un ancien combattant au Vietnam où il a subi des années de torture, le sénateur de l'Arizona a déjà fait les frais des moqueries du milliardaire, qui avait mis en doute son statut de "héros" parce qu'il avait été capturé. "Moi, j'aime les gens qui n'ont pas été capturés", avait lancé Donald Trump il y a un an.
Après ce nouveau dérapage, la petite-fille du sénateur, Caroline McCain, elle-même républicaine, a annoncé lundi qu'elle voterait pour la démocrate Hillary Clinton le 8 novembre, qualifiant d'"impardonnables" les propos de Trump.
Autre coup dur pour le magnat de l'immobilier, les familles de 17 soldats tombés au champ d'honneur ont dénoncé ses propos "répugnants et personnellement insultants pour nous".
Reste que Donald Trump a la peau dure. Lorsqu'il avait attaqué John McCain, le tollé était tel que beaucoup pensaient qu'il ne s'en relèverait pas. Il a pourtant remporté la nomination républicaine contre ses 16 adversaires et en mai... John McCain a annoncé son soutien au milliardaire, même s'il a pris soin de ne pas participer à sa convention d'investiture.
Cette fois encore, l'état-major du parti républicain a dénoncé ses propos, mais sans aller jusqu'à lui retirer son soutien.
Le prix Nobel américain d'Economie et éditorialiste du New York Times Paul Krugman les a étrillés, affirmant que "les véritables pécheurs sont les dirigeants républicains", qui le soutiennent "alors qu'ils savent qu'il représente un danger pour la nation".
Hillary Clinton a appelé les républicains dimanche à choisir les intérêts "du pays plutôt que le parti".
Portée par un rebond post-convention, elle avait sept points d'avance dans un sondage CBS publié lundi. Une enquête CNN révélée un peu plus tard lui donnait même 9 points de marge (52% contre 43%).
Malgré ses dérapages fréquents, M. Trump était jusque-là au coude-à-coude dans les sondages avec sa rivale.
La candidate démocrate a engrangé un nouveau soutien lundi soir: le milliardaire Warren Buffett s'est joint à elle lors d'un meeting à Omaha (Nebraska, centre) et a accusé Donald Trump de refuser de publier sa situation fiscale parce qu'il subit un contrôle.
"On n'a peur que si on a quelque chose à craindre", a relevé M. Buffett. "Il n'a pas peur du service des impôts. Il a peur de vous", a-t-il lancé à la foule.
Avec AFP