Lors d'une séquence calibrée pour faire la Une des chaînes de télévision, M. Trump a été dimanche le premier président américain en exercice à fouler le sol nord-coréen, à l'occasion d'une rencontre avec le leader du régime reclus Kim Jong Un proposée la veille sur Twitter. "Un honneur", a déclaré Donald Trump, tandis que Pyongyang se félicitait d'une rencontre "extraordinaire".
Le locataire de la Maison Blanche a annoncé que les deux dirigeants s'étaient mis d'accord pour une reprise des négociations sur la dénucléarisation, après leur interruption à la suite de l'échec du sommet d'Hanoï, en février.
Ces discussions devraient reprendre "probablement au milieu du mois" de juillet, a déclaré à des journalistes le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo.
Les responsables américains expliquent vouloir préparer davantage de substance avant un nouveau sommet, malgré le champ d'action limité des négociateurs nord-coréens à propos du programme nucléaire chéri par Kim Jong Un.
Le New York Times, sans révéler sur quelles sources il s'appuyait, a affirmé lundi que le gouvernement américain travaillait depuis plusieurs semaines à l'idée d'un "gel" du programme nucléaire nord-coréen et non d'un démantèlement, qui laisserait Pyongyang en possession des armes qu'il possède déjà. Un "statu quo" qui équivaudrait à reconnaître "tacitement la Corée du Nord en tant que puissance nucléaire", écrit le quotidien américain.
Un tel accord entrerait en contradiction directe avec la position officielle des Etats-Unis, qui réclament une "dénucléarisation totale, définitive et vérifiée de la Corée du Nord", comme le répète régulièrement le chef de la diplomatie Mike Pompeo.
La Maison Blanche, par la voix de son conseiller à la sécurité nationale John Bolton, a vivement démenti, affirmant ne jamais avoir entendu parler d'un tel projet. "Il s'agit d'une tentative condamnable visant à mettre le président en difficulté", a affirmé John Bolton.
- Séance photo -
Mais, pour ses détracteurs, Donald Trump a d'ores et déjà gaspillé un capital diplomatique important en rencontrant M. Kim selon ses propres termes, et en l'invitant à la Maison Blanche.
Selon des groupes de défense des droits humains, le régime nord-coréen détient des dizaines de milliers de prisonniers politiques dans des camps de travaux forcés, dont beaucoup sont détenus pour des faits mineurs perçus comme un manque de respect à leur dirigeant.
"Soyons clairs. Trump n'est pas en train de négocier avec la Corée du Nord. Il normalise la Corée du Nord", s'est insurgé le sénateur démocrate Chris Murphy.
Plusieurs candidats à l'investiture démocrate pour la présidentielle américaine de 2020 ont saisi l'occasion pour critiquer les compétences du président en matière de politique étrangère.
"Notre président ne devrait pas gaspiller l'influence américaine dans des séances photo et des échanges de lettres d'amour avec un dictateur impitoyable", a tweeté la sénatrice Elizabeth Warren.
Donald Trump "devrait prendre au sérieux la menace nord-coréenne et ses crimes contre l'humanité", a déclaré une autre candidate elle aussi bien placée dans les sondages, Kamala Harris. "Il ne s'agit pas d'une séance photo. Notre sécurité et nos valeurs sont en jeu."
Les élus républicains ont quant à eux affirmé que M. Trump faisait preuve de leadership, après l'avoir acclamé pour ne pas avoir conclu d'accord avec M. Kim lors de leur précédente rencontre à Hanoï.
"Division profonde” ?
Absence remarquée dans la zone démilitarisée dimanche : John Bolton. Au moment où Donald Trump serrait la main de Kim Jong Un, le conseiller se rendait en Mongolie, où il rencontrait le président Khaltmaa Battulga devant une peinture bouddhiste.
Selon Richard Haass, président du Council on Foreign Relations (CFR) et ancien de l'équipe du président George W. Bush, cette absence, puis les commentaires de M. Bolton, démontrent une "division profonde" au sein du gouvernement Trump à propos de l'accord final avec Pyongyang.
A Hanoï, John Bolton et Mike Pompeo ont poussé Donald Trump à refuser la demande du dirigeant nord-coréen d'une réduction des sanctions sans avancées sur le plan de la dénucléarisation en contrepartie.
Pour les responsables américains, il existe d'autres actions que Washington peut mettre en place pour faire un pas vers Pyongyang, comme l'envoi d'aide humanitaire ou l'établissement de présences diplomatiques limitées dans les deux capitales.