Selon des informations préliminaires, une cinquantaine de jihadistes ont attaqué lundi à l'aube une caserne de l'armée, un poste de police et un bâtiment de la garde nationale (gendarmerie) à Ben Guerdane, tout près de la Libye, a déclaré le Premier ministre Habib Essid lors d'une conférence de presse.
Le bilan définitif de ces attaques sans précédent par leur ampleur et leur niveau de préparation est de 55 morts -36 extrémistes, 12 membres des forces de l'ordre et sept civils-, selon M. Essid. L'un des policiers "a été assassiné à son domicile".
Le chef du gouvernement a précisé que, selon les données préliminaires, la majorité des assaillants tués et arrêtés étaient des Tunisiens, sans écarter la possibilité de la présence d'étrangers parmi eux.
Malgré tout, "la réaction (des forces de l'ordre) a été rapide et forte (...). Nous avons remporté une bataille (et) nous sommes prêts pour les autres", a assuré M. Essid.
Dans la matinée, les autorités ont indiqué que la situation était "stable" à Ben Guerdane. Des témoins ont toutefois fait état de nouveaux échanges de tirs sporadiques en cours de journée.
Interrogé par l'AFP, le porte-parole du ministère de la Défense, Belhassen Oueslati, a indiqué que 17 suspects avaient été arrêtés dans les environs de la caserne militaire à la suite d'un coup de feu. "Ils ont été remis à la Garde nationale pour enquête", a-t-il noté.
Plus tôt, le ministère de l'Intérieur avait affirmé que les opérations de ratissage se poursuivaient, à la recherche du reste des assaillants.
D'"importantes quantités" d'armes de guerre et de munitions ont été saisies à la suite de l'attaque selon les autorités, et un couvre-feu nocturne a été décrété à Ben Guerdane.
La ville était quadrillée par l'armée et la police mardi. Témoignant de la violence des affrontements, une maison dans laquelle s'étaient retranchés des assaillants avait les murs criblés de balles et en partie noircis.
'Guerre totale'
Les jihadistes "ont compris que la Tunisie n'était pas facile, que ce n'était pas une promenade (de santé) d'établir un émirat à Ben Guerdane", a encore affirmé Habib Essid. La veille, il avait déclaré que le but des attaques était d'instaurer "un émirat de Daech" (un acronyme arabe du groupe Etat islamique) dans cette ville d'environ 60.000 habitants.
Le Premier ministre a appelé à la vigilance, la Tunisie étant dans "une guerre totale contre le terrorisme".
Face aux interrogations sur la manière dont les jihadistes ont pu attaquer en plein centre-ville de manière simultanée, M. Essid a promis une "évaluation approfondie".
"Il y a beaucoup d'enseignements que nous allons tirer de cette attaque terroriste (...). Il se peut qu'il y ait (eu) une défaillance à un certain niveau, au niveau des renseignements, au niveau d'autres éléments", a-t-il dit.
'Tournant'?
Des habitants de Ben Guerdane ont raconté lundi que des jihadistes, dont certains se sont réclamés du groupe EI, s'étaient postés dans le centre-ville en demandant leur carte d'identité aux passants. Pour beaucoup, le fait que les hommes armés aient pu se déplacer avec autant d'aisance est le signe qu'ils sont originaires de la région.
Le journal francophone Le Quotidien titrait d'ailleurs sur "La menace des cellules dormantes", tandis que Al Maghreb lançait en Une: "C'est la guerre!".
Le quotidien Le Temps, pour qui les attaques pourraient "marquer un tournant dans la stratégie menée par les terroristes dans notre pays", a appelé "à penser dès à présent à une autre approche dans les enquêtes aussi bien sécuritaires que judiciaires pour toute affaire à connotation terroriste".
La Tunisie est confrontée depuis sa révolution de 2011 à l'essor d'une mouvance jihadiste responsable de la mort de dizaines de policiers et de soldats ainsi que de touristes.
Les attaques de lundi contre des installations sécuritaires sont intervenues moins d'une semaine après de premiers heurts dans cette même région, lors desquels cinq "terroristes" avaient été tués.
La Tunisie, qui compte plusieurs milliers de ressortissants dans les rangs d'organisations jihadistes à l'étranger, exprime régulièrement son inquiétude à propos de la Libye, où le chaos politique depuis la chute du dictateur Mouammar Kadhafi a permis l'essor de l'EI.
AFP