Un établissement abritant un hôpital pédiatrique et une maternité a été touché par un bombardement russe mercredi à Marioupol en Ukraine, à la veille de discussions entre les chefs des diplomaties russe et ukrainienne en Turquie, la première rencontre à ce niveau depuis le début de l'invasion le 24 février.
Dans le même temps, les troupes russes se rapprochaient de la capitale Kiev, tandis que le nombre des personnes ayant fui les combats pour se réfugier à l'étranger était désormais évalué à entre "2,1 et 2,2 millions" par l'ONU.
Au moins 17 membres du personnel d'un complexe hospitalier accueillant des enfants et où se trouve également une maternité ont été blessés dans un raid aérien à Marioupol, un port de la mer d'Azov (sud-est) assiégé, ont annoncé les autorités locales.
"Il n'y a aucun enfant" parmi les blessés et "aucun mort", selon un bilan fourni par les autorités locales.
"Atrocité! (...) Arrêtez ces meurtres", a réagi le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a ensuite qualifié cette attaque de "crime de guerre".
Sur une vidéo diffusée par la présidence ukrainienne, on peut voir l'intérieur de bâtiments soufflés, des débris, des feuilles de papier et des morceaux de verre jonchant le sol.
Un "usage barbare de la force militaire contre des civils innocents dans un pays souverain", a déploré la Maison Blanche, le Premier ministre britannique Boris Johnson parlant d'action "immorale".
Les neuf jours de siège de Marioupol ont déjà fait 1.207 tués, a affirmé mercredi soir la mairie sur Telegram.
- Conscrits russes en Ukraine -
Alors que la ligne de front était encore il y a cinq jours à une centaine de kilomètres au nord-est de la capitale Kiev, des colonnes de chars russes ne se trouvaient plus mercredi qu’à une quinzaine de kilomètres, à proximité de Brovary.
A 30 km de cette localité, des combats ont également eu lieu près de Rusaniv, ont dit à l’AFP des soldats ukrainiens.
"Les colonnes de chars russes ont pris hier deux villages à quelques kilomètres. Ils tirent pour effrayer les gens et les forcer à rester chez eux, volent ce qu'ils peuvent pour se ravitailler et s'installent au milieu des habitants, pour ne pas que les forces ukrainiennes les bombardent", a raconté à l’AFP Volodymyr, 41 ans, qui habite non loin de Brovary.
La Russie a pour la première fois reconnu mercredi la présence de conscrits en Ukraine. Elle assurait jusque-là que seuls des soldats de métier y combattaient.
Au nord de Kiev, à la frontière ukraino-bélarusse, la centrale de Tchernobyl a redonné des sueurs froides, après que l'opérateur ukrainien Ukrenergo a fait savoir que l'alimentation électrique avait été "complètement" coupée sur le site, en raison d'actions militaires russes. "Une provocation" des Ukrainiens, a accusé Moscou.
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a ensuite assuré que cette coupure n'aurait "pas d'impact majeur sur la sécurité".
Les Etats-Unis de leur côté ont accusé mercredi la Russie et la Chine de répandre "intentionnellement" des "mensonges" sur de prétendus laboratoires américains d'armes biologiques et chimiques en Ukraine, affirmant redouter plutôt un recours russe à de telles armes prohibées.
- "Assistance militaire" -
Face à cette situation, le président Zelensky a appelé les Occidentaux à envoyer "au plus vite" des avions de chasse à l'Ukraine.
La Pologne s'était dite mardi "prête à déplacer sans délai et gratuitement tous ses avions MiG-29 sur la base de Ramstein (en Allemagne) et à les mettre à la disposition du gouvernement des Etats-Unis", pour que ces derniers les livrent à l'Ukraine.
Washington, tout en annonçant le déploiement de deux nouvelles batteries antiaériennes Patriot sur le sol polonais dans le cadre de la défense des pays de l'Otan, a définitivement rejeté cette proposition.
"Les services de renseignement estiment que le transfert (d'avions) MiG-29 à l'Ukraine pourrait être perçu comme une surenchère (au conflit) et pourrait entraîner une réaction russe importante qui augmenterait la perspective d'une escalade militaire avec l'Otan", a déclaré le porte-parole du Pentagone John Kirby.
Depuis le début, les Américains et leurs alliés s'efforcent d'aider l'Ukraine tout en évitant l'implication directe des Etats membres de l'Alliance.
La vice-présidente américaine Kamala Harris doit discuter jeudi en Pologne avec les dirigeants de ce pays pour voir comment fournir une "assistance militaire" aux Ukrainiens, selon des responsables américains.
Mercredi à Washington, la Chambre des représentants va se prononcer sur une enveloppe faramineuse de près de 14 milliards de dollars en liaison avec la crise en Ukraine, qui comprend un volet économique et humanitaire, mais aussi des livraisons d'armes et de munitions.
Le FMI a d'ores et déjà approuvé mercredi une aide d'urgence d'un montant de 1,4 milliard de dollars en faveur de l'Ukraine.
Et le Premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé l'envoi de matériel militaire supplémentaire à Kiev, tandis que Londres poursuivra ses livraisons de missiles antichars.
- Lavrov en Turquie pour des pourparlers-
La Russie et l'Ukraine se sont néanmoins entendues mercredi sur des cessez-le-feu pour permettre d'établir des couloirs humanitaires autour de zones durement frappées ces derniers jours par les combats, qui ont obligé les civils à rester parfois des jours cachés dans des caves.
Ils ont été définis pour évacuer dans la journée les civils d'Enerhodar vers Zaporojie (sud), d'Izioum à Lozova (est) et de Soumy (nord-est) à Poltava (est), où une voie d'évacuation avait déjà permis le départ de milliers de civils mardi.
Plusieurs couloirs étaient également prévus afin de laisser se replier, vers Kiev, les habitants de villes à l'ouest de la capitale. Les autorités locales ont cependant déploré qu'une cinquantaine de cars d'évacuation dans cette région aient été stoppés.
Trois mille personnes ont malgré tout pu être extraites mercredi d'Irpin et de Vorzel, au nord-est de Kiev, d'après la police.
"Certains progrès ont été réalisés" dans les négociations destinées à "mettre fin dès que possible à l'effusion de sang insensée et à la résistance des forces armées ukrainiennes", a admis la diplomatie russe.
Elle a également affirmé que la Russie ne cherchait pas à "renverser le gouvernement" ukrainien, contrairement à ce qu'avaient clamé des responsables russes pendant deux semaines.
Un adoucissement dans le ton qui intervient après que le président Zelensky a suggéré, dans un entretien avec la chaîne de télévision américaine ABC, ne plus insister sur une adhésion de l'Ukraine à l'Otan, une des questions invoquées par Moscou pour justifier l'invasion.
Dans la même interview, il s'est aussi dit prêt à un "compromis" sur le statut des territoires séparatistes de l'est de l'Ukraine dont Vladimir Poutine a unilatéralement reconnu l'indépendance.
Une inflexion de positions qui pourrait alimenter les discussions programmées pour commencer jeudi vers 09H30-10H00 (06H30-07H00 GMT) à Antalya, en Turquie, entre les ministres des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov - arrivé mercredi sur place - et ukrainien Dmytro Kuleba, avec leur homologue turc Mevlüt Cavusoglu comme médiateur.
Un responsable occidental a toutefois déclaré que, s'il n'était "pas optimiste" quant à la réunion de jeudi en Turquie, il se demandait "pourquoi Lavrov s'engage-t-il (dans ces discussions) ? Évidemment, nous espérons que c'est parce qu'ils (les Russes) veulent que ce qui se passe prenne fin".
- "Guerre économique" -
Après deux semaines de conflit, les sanctions occidentales font parallèlement de plus en plus sentir leurs effets en Russie.
Les Moscovites disaient ainsi au revoir mercredi à leurs enseignes préférées comme McDonald's, un symbole de l'ouverture de la Russie au monde occidental.
Le Kremlin a dénoncé la "guerre économique" déclarée par Washington, qui a annoncé mardi un embargo sur les achats d'hydrocarbures russes.
Le président Zelensky a appelé l'Union européenne, beaucoup plus dépendante que les Etats-Unis du brut russe, à elle aussi prendre des "mesures dures, des sanctions contre la Russie pour sa guerre".
Le Royaume-Uni a quant à lui exhorté l'ensemble des pays du G7 à suivre son exemple - ainsi que celui des Américains - et à "mettre fin à leur utilisation de pétrole et de gaz russes".
Conséquence de ces tensions, le Brent a terminé en forte baisse de 13%.