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Un an après le putsch, le Niger entre quête de souveraineté et guerre contre les jihadistes


Le général Abdourahmane Tiani (à dr.) est à la tête de la junte au pouvoir au Niger, mais sa parole publique est rare.
Le général Abdourahmane Tiani (à dr.) est à la tête de la junte au pouvoir au Niger, mais sa parole publique est rare.

Un an après avoir renversé le président élu Mohamed Bazoum, le régime militaire au pouvoir au Niger a multiplié actes et discours pour rétablir la "souveraineté" de ce pays sahélien mais reste confronté aux attaques récurrentes de jihadistes. 

Depuis sa prise de pouvoir le 26 juillet 2023, le pouvoi dirigé par le général Abdourahamane Tiani, ex-chef de la garde présidentielle, a complètement revu ses partenariats internationaux.

La France, ex-puissance coloniale, a été priée fin 2023 de faire partir ses soldats basés au Niger pour lutter contre les jihadistes. Et d'ici à mi-septembre, les Américains auront également plié bagage, quittant notamment leur base de drones à Agadez (nord) après celle de Niamey. Des partenaires jugés, eux, "sincères" sont en revanche reçus avec les honneurs à Niamey depuis un an : l'Iran, la Turquie et la Russie, qui a envoyé des instructeurs militaires en avril et en mai.

Le Niger "est en train de recouvrer sa souveraineté" et est désormais "sans complexe en mesure de choisir ses partenaires stratégiques" dans "le cadre d'un partenariat gagnant-gagnant", martèle le Premier ministre nommé par le régime Ali Mahaman Lamine Zeine, beaucoup plus présent médiatiquement que le général Tiani, dont la parole est rare.

"Le régime fait preuve d'engagement à rétablir la dignité du Niger et prône une coopération internationale équilibrée", abonde Mousoulmi Mallam Sita, président de l’Association nigérienne pour le civisme et la croissance (ANCC), une organisation favorable au régime. "L’intransigeance de la junte n’a jamais faibli. Elle a fait preuve d’une hostilité sans égale à l’égard d’une partie de la communauté internationale", constate une source diplomatique française.

Bras de fer

Sur le plan régional, le Niger est brouillé avec le Bénin voisin qu'il accuse de vouloir le déstabiliser en accueillant des "bases françaises" – ce que Cotonou nie. Conséquence principale : les exportations du pétrole nigérien, censées apporter une bouffée d'oxygène à l'économie, sont gelées.

Le Niger s'est en revanche rapproché de ses deux voisins, le Burkina Faso et le Mali, eux aussi gouvernés par des régimes militaires arrivés au pouvoir par des putschs. Tous trois ont formé la confédération de l'Alliance des Etats du Sahel (AES) et ont claqué en début d'année la porte de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (Cedeao), qu'ils accusent d'être manipulée par la France et de ne pas les soutenir contre le jihadisme.

Le bras de fer entre Niamey et l'organisation régionale s'était engagé aux lendemains du coup d'Etat : lourdement sanctionné économiquement par la Cedeao qui exigeait le retour de M. Bazoum, le Niger a été pendant plusieurs semaines sous la menace d'une intervention armée qui ne s'est jamais concrétisée.

Déploiement militaire

Les sanctions ont même été levées en février et les demandes de libération de M. Bazoum régulièrement lancées par la communauté internationale ont fini par se raréfier. Le président déchu est toujours séquestré dans sa résidence et son immunité a été levée par une Cour créée par le régime, ouvrant la voie à un procès pour "complot contre l'autorité de l'Etat" et "haute trahison", notamment.

Les aides des organisations internationales ont quant à elles repris : la Banque mondiale vient d'approuver 214 milliards de francs CFA (326 millions d'euros) et le FMI a annoncé le versement de 70 millions de dollars au Niger.

Lors de sa prise de pouvoir, le général Tiani avait également justifié son putsch par "la dégradation continue de la situation sécuritaire" sous le régime déchu. Les attaques jihadistes endeuillent le Niger depuis plus de dix ans, tant dans sa partie ouest, près du Burkina Faso et du Mali, que dans son sud-est près du Nigeria.

Un an après, les attaques de l'Etat islamique et Al-Qaïda dans la zone de Tillabéri (ouest) sont loin d'avoir cessé : les embuscades et affrontements sanglants entre armée et jihadistes ont fait sur ces seules dernières semaines plusieurs dizaines de morts dans les deux camps. Malgré un important déploiement militaire – et la promesse de quadrupler les effectifs de l'armée d'ici à 2030 – les civils ne sont pas non plus épargnés, mais les bilans officiels restent sporadiques et ceux indépendants, difficiles à obtenir.

"L'arrivée des militaires (au pouvoir) a laissé entrevoir la fin rapide des attaques, mais elles endeuillent encore le pays", constate Amadou Hassane, un ressortissant de Téra, dans la région de Tillabéri (ouest). "Les autorités étaient sur plusieurs fronts et les terroristes en ont profité pour frapper un peu partout et parfois fort", explique Ali Seyni, un acteur de la société civile.

Combien de temps cette "transition" durera t-elle ? Le général Tiani – qui n'a jamais prêté serment – avait rapidement évoqué "trois ans maximum" après sa prise de pouvoir il y a un an, mais les autorités restent depuis silencieuses sur le sujet. Un "dialogue national inclusif" est également attendu: il doit tracer les "axes prioritaires" de gouvernance et déterminer la durée de la transition.

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