"L’objectif est de porter un regard neuf sur nos collections en décolonisant notre pensée", a expliqué lors d’une visite de presse, Krystel Gualdé, directrice scientifique du musée et commissaire de l'exposition « Expression(s) décoloniale(s) #2», qui se tient à partir du 19 mai au château des ducs de Bretagne.
Jusqu’au 14 novembre prochain, la cour du château et les salles du musée accueillent vingt pièces de l’artiste béninois contemporain Romuald Hazoumé, dont les œuvres réalisées à partir de matériaux de récupération sont exposées dans le monde entier.
"J’ai le devoir, comme artiste, de dire aux miens qu’il faut prendre notre part de responsabilité dans l’histoire de l’esclavage pour faire notre résilience et régler les problèmes d’aujourd’hui", a déclaré à l'AFP Romuald Hazoumé. "Il faut arrêter de dire que les Occidentaux sont les seuls responsables, car pour qu’il y ait des acheteurs d’esclaves, il fallait des vendeurs".
L’historien ivoirien Gildas Bi Kakou a pour sa part été convié à commenter plusieurs pièces du musée à l’aune de ses recherches sur la traite négrière en Côte d’Ivoire, qui préexistait à l’arrivée des Européens. "Cette recherche n’est pas encouragée en Afrique car elle gêne pour des raisons politiques et d’harmonie sociale", a indiqué l’historien, qui a rédigé une série de cartels intitulés "Un autre regard historique".
L’historien souligne que les esclaves venaient des côtes mais aussi de l’intérieur du pays, via les cours d’eau, avec l’appui de populations locales qui prélevaient un droit de passage, enchérissant le "coût" de l’esclave au fil de son trajet.
"Les voix de cet artiste et de cet historien sont encore peu entendues et acceptées sur le continent africain", a précisé Krystel Gualdé.
Plusieurs œuvres monumentales sont réalisées à partir de bidons utilisés dans le trafic d’essence frelaté entre le Nigéria et le Bénin. Transportés par des hommes au péril de leur vie, ils alimentaient jusqu’à peu la majorité du pays en essence.
Une autre pièce maîtresse, placée à l’entrée du musée, prend la forme d’un dé formé par des tongs laissées par des migrants avant leur traversée mortifère en Méditerranée et interroge sur le prix à payer pour obtenir une vie meilleure.
La première édition de l’exposition « Expression(s) décoloniale(s) » s’était tenue en 2018 avec l’artiste congolais Moridja Kitenge.
Jusqu’à l'abolition de l'esclavage en 1848, Nantes fut le premier port négrier de France.