"Nous ne trouvons plus d'imprimeurs. Leurs avocats leur conseillent de ne plus imprimer quoi que ce soit de politique, en raison du fait que l'état d'urgence étend les sanctions non seulement aux rédacteurs, mais aussi aux éditeurs et distributeurs" de contenus pouvant inciter à la violence, a expliqué à l'AFP Tsedale Lemma, co-fondatrice et rédactrice en chef d'Addis Standard.
Addis Standard a essuyé, selon elle, le même refus des supermarchés, hôtels et vendeurs de rue, qui refusent de mettre en vente le magazine "jusqu'à la fin de l'état d'urgence", décrété pour une durée de six mois.
"Nous avons essayé de les convaincre que l'état d'urgence ne visait que les contenus 'incitant à la violence', mais ils craignent que celui-ci ne soit interprété de manière abusive", a-t-elle ajouté.
Publié en langue anglaise uniquement, Addis Standard fait partie des rares voix indépendantes dans un paysage médiatique éthiopien complétement contrôlé par les autorités.
La dernière édition du magazine affichait en une le hashtag #IreechaMassacre, utilisé par les militants antigouvernementaux sur les réseaux sociaux pour dénoncer la tragédie du festival religieux oromo d'Ireecha, le 2 octobre, dans laquelle au moins 55 personnes ont été tuées dans une bousculade selon un bilan officiel (beaucoup plus selon les opposants).
Le magazine continuera cependant dans sa version internet et la rédaction est en train d'élaborer une nouvelle stratégie digitale qui inclura notamment des podcasts, a précisé Mme Lemma.
Addis Standard emploie actuellement 23 journalistes à plein temps. Une douzaine d'emplois seront supprimés dans la distribution.
L'Ethiopie figure parmi les pays les plus répressifs de la planète en matière de liberté de la presse avec dix journalistes emprisonnés en 2015, selon le Comité de Protection des Journalistes (CPJ).
L'Ethiopie est actuellement en proie à un mouvement de contestation antigouvernementale, sans précédent depuis 25 ans, qui a commencé en région oromo (centre et ouest) en novembre 2015, et s'est étendu depuis l'été à la région amhara (nord).
La répression menée par le gouvernement a fait plus de 500 morts, selon les organisations de défense des droits de l'Homme.
Avec AFP