Personne ne sait encore combien a coûté le meurtre d'AKA. Kiernan Forbes, 35 ans, star du rap sud-africain, a été tué mi-février sur un trottoir devant un restaurant de Durban d'où il sortait d'un dîner entre amis. L'affaire a choqué le pays pourtant habitué à une violence devenue presque ordinaire et une cérémonie en grande pompe en sa mémoire a été retransmise en direct sur les télévisions.
Le crime est une affaire quotidienne en Afrique du Sud. Selon les dernières statistiques de la police, 82 meurtres sont commis chaque jour et les enquêtes sont rarement résolues. Le pays traîne la réputation d'être l'un des plus dangereux au monde.
Sur les images de télésurveillance largement partagées sur internet, la scène dure 19 secondes. Un homme traverse la route. Sur les derniers mètres, il se met à courir vers le joyeux petit groupe et tire sur le rappeur à courte distance. Un autre ouvre le feu au même moment. Les deux assaillants disparaissent dans la nuit. AKA meurt sur le coup. Son ami Tebello Motsoane ou "Tibz", 41 ans, est tué aussi.
La police dit travailler sur plusieurs pistes. Des téléphones saisis ont livré des informations; aucune arrestation n'a encore eu lieu. Mais les premières conclusions des enquêteurs évoquant un assassinat ont relancé l'inquiétude sur le phénomène des tueurs à gages en Afrique du Sud.
Un tueur tué
Machinations sordides pour toucher l'argent d'une assurance-vie, batailles politiques résolues par le meurtre d'un rival gênant, assassinat d'un fonctionnaire scrupuleux alertant sur des irrégularités dans des comptes... Les meurtres commandités sont fréquents.
Pourtant "peu d'affaires impliquant des tueurs à gages se retrouvent devant les tribunaux (...) Et s'il y a un risque que ça se produise, les tueurs à gages se font souvent eux-mêmes éliminer", explique à l'AFP Mary de Haas, universitaire spécialiste de la violence politique dans la région zouloue (est), particulièrement touchée par le phénomène. Faire disparaître quelqu'un en Afrique du Sud "semble dès lors assez facile", dit-elle.
Les hommes de main sont payés entre 130 et près de 8.000 euros, selon une étude publiée en 2021 par le think tank suisse Global Initiative against Transnational Organized Crime (GI-TOC), qui a compilé les données sur les meurtres commandités pendant quatre ans.
Au Cap, une employée municipale a été récemment tuée de plusieurs balles dans sa voiture. Elle entrait sur le chantier d'un vaste projet immobilier pesant plus de 25 millions d'euros. Selon une source à la mairie, des tentatives d'intimidation et d'extorsion avaient visé des employés du site peu avant l'assassinat présumé.
La Ville, tenue par le premier parti d'opposition du pays (DA), a offert une récompense de plus de 5.000 euros pour toute information. Déterminée à mener sa propre enquête, la mairie reproche à la police de se contenter d'égrainer périodiquement la sombre litanie des chiffres d'une criminalité toujours en hausse.
Coiffé du Borsalino noir devenu sa marque de fabrique, le ministre de la Police Bheki Cele, sous le feu des critiques, présente chaque trimestre lors d'une curieuse grand-messe retransmise en direct les dernières statistiques. C'est "davantage une leçon d'histoire mettant en évidence les lacunes du maintien de l'ordre, que des outils" contre des malfaiteurs, critique la mairie.
La police "continue à arrêter des tueurs à gages et ceux qui ordonnent les assassinats", a assuré M. Cele. Seules deux affaires de meurtre sur dix (20,74%) sont résolues, selon le dernier rapport annuel de la police.