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Une ex-reine de beauté livre un témoignage accablant contre l'ex-président gambien


L’ex-président gambien Yahya Jammeh déclarant accepter de céder le pouvoir au président élu Adama Barrow, à Banjul, le 21 janvier 2017. Image du discours diffusé sur la télévision d’Etat.
L’ex-président gambien Yahya Jammeh déclarant accepter de céder le pouvoir au président élu Adama Barrow, à Banjul, le 21 janvier 2017. Image du discours diffusé sur la télévision d’Etat.

Une étudiante gambienne a livré jeudi un témoignage accablant contre l'ancien président Yahya Jammeh aujourd'hui en exil, l'accusant devant une commission de l'avoir violée pour l'humilier et lui faire payer le rejet de sa demande de mariage.

"Ce que Yahya Jammeh voulait, ce n'étaient pas des rapports sexuels ou du plaisir avec moi; ce qu'il voulait, c'était me faire mal; ce qu'il voulait, c'était me donner une leçon; ce qu'il voulait, c'était manifester son ego", a déclaré Fatou "Toufah" Jallow dans un témoignage éprouvant, commencé avec fermeté puis interrompu par les pauses et les larmes à l'évocation des faits survenus un jour de 2015.

Fatou Jallow s'exprimait devant la Commission Vérité et Réconciliation, mise en place pour enquêter sur les années de pouvoir de Yahya Jammeh, officier arrivé à la tête de la Gambie par un coup d'Etat en 1994 et dirigeant jusqu'en 2017 un régime de féroce répression.

Alors étudiante en art dramatique, Fatou Jallow avait remporté un concours de beauté en décembre 2014 à l'âge de 18 ans.

Aujourd'hui âgée de 23 ans, elle a raconté dans une ambiance lourde comment Yahya Jammeh l'avait fait ensuite venir à différentes reprises au palais et l'avait trompée en adoptant une attitude paternelle et en promettant de lui verser la bourse à laquelle donnait droit le concours.

En mai 2015, après avoir raccroché avec sa femme au téléphone, Yahya Jammeh, qui avait alors 50 ans, avait laissé tomber le masque de la figure paternelle selon elle et lui avait demandé abruptement si elle accepterait de l'épouser. Après avoir cru à une plaisanterie ou à une mise à l'épreuve de sa part, elle avait répondu par la négative en invoquant son jeune âge, a-t-elle raconté.

Elle s'était ensuite sentie suivie. La présidence lui avait fait miroiter une maison et une voiture. Elle avait utilisé maints prétextes pour décliner les sollicitations de la présidence, a-t-elle dit. Jusqu'à une invitation à un évènement public qui lui avait paru sans risque.

Elle a alors été conduite dans une antichambre dans laquelle Yahya Jammeh est entré les yeux très rouges dans son souvenir.

"J'ai entendu des mots comme: pour qui te prends-tu, qu'il est le président et j'obtiens toutes les femmes que je veux", a-t-elle relaté. Il l'a tirée dans une pièce attenante avec un lit. Elle a raconté crûment comment il lui avait injecté un produit inconnu dans le bras, comment elle était malgré tout restée consciente sans savoir combien de temps, comment il l'avait sodomisée, malgré ses supplications et ses cris.

Elle se rappelle la douleur, mais aussi les récitations coraniques diffusées au même moment par les haut-parleurs de la cérémonie de l'autre côté des portes. Elle se souvient aussi que, "pendant l'acte, il était tellement tranquille parce qu'il avait une couverture tellement formidable, parce que ça ne se saurait jamais".

Elle s'est finalement évanouie et quand elle s'est réveillée, il lui a dit de partir.

Elle s'est exilée en juillet 2015 au Sénégal voisin où elle a reçu l'assistance du Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR). Elle mène actuellement des études de travailleuse sociale à Toronto (Canada).

Depuis janvier, des dizaines d'auditions de victimes et d'ex-caciques ou hommes de main de l'ancien pouvoir ont révélé à des Gambiens abasourdis l'ampleur des violations des droits de l'homme commises pendant les 22 années de régime de Yahya Jammeh, parti en exil en janvier 2017 en Guinée-équatoriale après sa défaite face à l'opposant Adama Barrow.

La Commission pourra, au terme de ses travaux qui devraient encore durer un an, recommander des poursuites ou des réparations. Elle ne peut en revanche pas prononcer de condamnations.

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