Après avoir passé des heures dans des embouteillages pour rejoindre cette ville champignon du centre du pays, passée de 30.000 à quelque deux millions d'habitants en une quarantaine d'années, les pèlerins se pressaient sous une forte chaleur aux alentours de la grande mosquée, épicentre des célébrations du "grand Magal", où un à trois millions de personnes étaient attendues dimanche.
Certains portaient des masques pour se protéger de la poussière.
Le "Magal" ("célébration" en wolof) marque l'anniversaire, dans le calendrier musulman, du départ en exil le 12 août 1895 du fondateur du mouridisme à la fin du XIXe siècle, Cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927), dit Serigne Touba.
Le chef religieux, qui n'a jamais levé les armes, avait été contraint par les autorités coloniales françaises à l'exil au Gabon (1895-1902) puis en Mauritanie (1903-1907), avant d'être placé en résidence surveillée dans le nord du pays. Il est vénéré par ses millions de fidèles au Sénégal et dans la diaspora.
Tout au long du week-end, les pèlerins assisteront à des récitations du Coran et des "khassaïdes", poèmes écrits par Cheikh Ahmadou Bamba, prendront part à des prières dans la mosquée aux sept minarets et se recueilleront sur les tombeaux du fondateur du mouridisme et de ses fils et successeurs, considérés comme des saints.
Les fidèles partageront aussi le traditionnel "berndel" (banquet), repas gargantuesque composé de boeufs, moutons, poulets, chameaux, poissons, riz, fruits et boissons fraîches, servi à volonté dans chaque famille.
"Pour rien au monde nous ne raterions le Magal parce que Serigne Touba, tout ce qu'il a fait mérite que tout le monde aille vers lui", a confié Diagne Fatou Cissé.
Pays réputé pour sa tolérance religieuse, le Sénégal compte plus de 90% de musulmans, adhérant pour la plupart à l'islam soufi, représenté par différentes confréries, dont celle des mourides est l'une des principales.
"Le Magal est un jour de gloire, de fête, de succès dans le combat pour élever le droit de Dieu et des hommes sur terre, c'est-à-dire pour réhabiliter les valeurs islamiques. Cheikh Ahmadou Bamba l'a fait sans effusion de sang. Il la fait sans nuire à personne, mais il a tout réussi", a expliqué un responsable mouride, Youssouf Diop.
Le grand Magal a aussi une dimension politique et voit converger cette année les candidats à la présidentielle de février 2019.
La ville, qui s'est développée quasi anarchiquement autour de ses centres religieux, attire des habitants des campagnes chassés par une sècheresse persistante, ainsi que bon nombre de délinquants et trafiquants en tous genres. Même si elle dispose d'école et de postes de police, l'autorité du calife y passe traditionnellement avant celle de l'Etat et ses infrastructures restent déficientes.
En visite jeudi et vendredi, le président Macky Sall y a inauguré les locaux d'une nouvelle compagnie de gendarmerie et a été reçu par l'actuel "calife général" des mourides, Serigne Mountakha Mbacké, auquel il a "demandé des prières pour sa réélection", selon la presse locale. Macky Sall a aussi rappelé les réalisations de son gouvernement, dont une nouvelle autoroute qui reliera d'ici peu Touba à Dakar.
Avec AFP