La jeune femme de 28 ans, son fiancé et le médecin qui ont été graciés en même temps qu'elle, ont été libérés de la prison d'El Arjat, dans les environs de Rabat, quelques heures après l'annonce de la grâce royale.
Comme après sa condamnation le 30 septembre, la reporter du quotidien arabophone Akhbar Al-Yaoum, a adressé un signe de la victoire aux médias venus l'attendre à la sortie de la prison. Elle n'a fait aucune déclaration après avoir retrouvé sa famille et ses proches.
"Nous avons vécu dans un enfer (...) Merci Majesté" a déclaré le frère du médecin libéré au site Al yaoum24, lié au quotidien Akhbar Al-Yaoum.
La grâce a été motivée par "la compassion" et le "souci" du roi Mohammed VI de "préserver l'avenir des deux fiancés qui comptaient fonder une famille conformément aux préceptes religieux et à la loi, malgré l'erreur qu'ils auraient commise", a précisé le ministère de la Justice dans un communiqué.
Le souverain a pris sa décision "sans entrer dans le débat souverain que les citoyens marocains mènent sur l'évolution de leur société et dans lequel se sont invités, de façon regrettable, certains étrangers, intellectuels, médias et ONG", a précisé une source gouvernementale.
- "La lutte continue" -
La nouvelle de la libération d'Hajar Raissouni s'est propagée sur les réseaux sociaux au Maroc et à l'étranger, alors que le mot d'ordre #freehajar était devenu viral depuis son arrestation.
"Enfin, une bonne nouvelle!", "Les combats justes ne laissent pas indifférents", ont commenté les internautes. "Enfin une décision sage et joyeuse", a écrit sur Twitter Younes Maskine, le directeur de publication du journal Akhbar Al-Yaoum. "La lutte continue contre les lois draconiennes et sexistes", a déclaré la militante féministe Betty Lachgar.
Depuis son arrestation, Hajar Raissouni dénonce un procès "politique" liés à l'engagement de ses proches et de son journal. Elle a toujours affirmé avoir été traitée pour une hémorragie interne, ce que son gynécologue a confirmé devant la justice. Le jeune couple assure aussi s'être fiancé dans un cadre religieux et avoir prévu de se marier mi-septembre, un projet contrecarré par leur arrestation.
Lors du procès, Hajar Raissouni et son fiancé ont été condamnés à un an de prison. Le médecin, un praticien reconnu qui avait autrefois été décoré par le roi, a été condamné à deux ans ferme.
- "Hors-la-loi" -
Ces condamnations ont suscité des réactions indignées sur les réseaux sociaux et dans certains médias au Maroc et à l'étranger, avec des critiques virulentes de la part des féministes et des défenseurs des droits humains.
Un collectif auteur d'un manifeste de "hors-la-loi" signé par 10.000 personnes a demandé cette semaine au parquet marocain de suspendre l'application de "lois liberticides" punissant de prison le sexe hors-mariage, l'adultère et l'avortement.
Démarche sans précédent au Maroc, les signataires du manifeste des "hors-la-loi" proclament avoir déjà violé les lois "obsolètes" de leur pays sur les mœurs et l'avortement.
Alors que le Parlement discute un projet de réforme du code pénal, plusieurs ONG de défense des droits humains ont appelé les législateurs à dépénaliser, entre autres, les relations sexuelles entre majeurs consentants, l'avortement, l'homosexualité et la rupture du jeûne pendant le mois de ramadan, actuellement passibles de prison.
Le texte en cours de débat ne change rien sur ces questions, à part un léger assouplissement concernant les conditions de l'avortement en cas de viol, d'inceste et de malformation du fœtus, selon des informations concordantes obtenues auprès de différentes sources judiciaires et parlementaires.
En 2018, la justice marocaine a poursuivi 14.503 personnes pour débauche, 3.048 pour adultère, 170 pour homosexualité et 73 pour avortements, selon les chiffres officiels. Entre 600 et 800 avortements clandestins sont pratiqués chaque jour au Maroc, selon des estimations.