Après avoir reconnu vendredi sa responsabilité dans les crimes sexuels sur mineurs et leur dimension "systémique" ces 75 dernières années, l'épiscopat, réuni en assemblée plénière depuis mardi à Lourdes, célèbre lieu de pèlerinage pour les chrétiens, a accompli "deux gestes" symboliques.
Un geste mémoriel d'abord: une photo, prise dans une église par une victime, montrant une sculpture représentant une tête d'enfant pleurant, a été dévoilée. Scellée au mur de l'hémicycle dans lequel se réunit l'épiscopat, elle préfigure la construction d'un "lieu de mémoire", décidée en mars par les évêques, mais dont les modalités restent à définir.
"Petit enfant", "qui vous a entraîné dans son secret honteux ? Qui a fait de vous sa chose ?", a interrogé Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, tandis que Véronique Margron, présidente de la Corref (ordres religieux), a dénoncé "la parole interdite, dehors comme dedans" des enfants victimes.
Second geste: les 120 évêques, qui n'étaient pas vêtus de leurs habits liturgiques à la demande des victimes, les religieux, des prêtres et laïcs se sont ensuite rendus sur l'esplanade de la basilique Notre-Dame du Rosaire. Après le tintement lent du glas, ils ont participé à une prière de pénitence et demandé "pardon à Dieu".
"Relève les personnes qui souffrent, nous t'en supplions à genoux. Donne-nous de les écouter et de faire ce qu'elles nous demandent", a demandé Eric de Moulins-Beaufort.
- "Pipeau" -
"J'ai vécu ces moments avec beaucoup d'émotion", a déclaré une des victimes, Véronique Garnier, à l'issue de cette cérémonie, soulignant qu'il était important de "nous rendre justice".
Au contraire, une personne se présentant comme victime, enfant, d'un prêtre appartenant à la congrégation des pères de Bétharram, implantée près de Lourdes, a lui, crié sa "colère", sur l'esplanade.
"La repentance, c'est pipeau", a dénoncé Jean-Marie Delbos, 75 ans, affirmant ne pas être entendu par l'Eglise.
Samedi après-midi, une vingtaine de fidèles, rubans violets attachés au bras ou autour du cou, se sont rassemblés derrière une banderole réclamant "les 4 R", à l'appel du collectif "De la parole aux actes". "R" comme "reconnaissance", "responsabilité", "réparation" et "réforme".
Membres d'associations engagées dans l'Eglise (en faveur notamment d'une plus grande place des femmes), ils ont lu à haute voix des témoignages de victimes.
A Paris, quelques dizaines de personnes se sont rassemblées devant le siège de la CEF en soutien aux victimes.
Des décisions fortes, notamment sur la réparation des victimes, y compris dans sa dimension financière, sont attendues lundi, lors de la clôture des travaux de la CEF.
Dans un rapport début octobre, une commission a estimé à quelque 216.000 personnes de plus de 18 ans ayant fait l'objet de violences sexuelles depuis 1950, quand elles étaient mineures, de la part de clercs (prêtres ou diacres) ou de religieux en France.
La commission Sauvé évalue par ailleurs à environ 3.000 le nombre des prédateurs impliqués en 70 ans.
Au lendemain de la publication de ce rapport accablant, le pape François avait exprimé "sa honte", appelant "les catholiques français à assumer leurs responsabilités pour que l'Eglise soit une maison sûre pour tous".