Selon les plaignants, le président des Etats-Unis a "plongé le pays dans une crise constitutionnelle de son propre fait".
La plainte, déposée devant un tribunal fédéral en Californie, estime que la déclaration d'urgence contrevient à deux dispositions constitutionnelles, l'une définissant les procédures législatives, l'autre attribuant au Congrès le dernier mot en matière de financement public.
Elle avance également que le ministère la Sécurité intérieure a enfreint la loi sur la protection de l'environnement en n'évaluant pas l'impact environnemental du mur en Californie et au Nouveau-Mexique. Le recours contient par ailleurs une demande de suspension en référé de la déclaration d'urgence tant que se poursuit la bataille judiciaire, selon le quotidien Washington Post.
Dès vendredi, les bastions démocrates de New York et de Californie avaient annoncé qu'ils allaient saisir les tribunaux. Ils ont été rejoints dans cette initiative par quatorze autres Etats (Colorado, Connecticut, Delaware, Hawaï, Illinois, Maine, Maryland, Michigan, Minnesota, Nevada, New Jersey, Nouveau-Mexique, Oregon et Virginie).
Au Congrès, la puissante commission judiciaire de la Chambre des représentants, contrôlée par les démocrates, avait annoncé vendredi l'ouverture "immédiate" d'une enquête parlementaire.
- Horizon Cour suprême -
Le procureur général de Californie, Xavier Becerra, a expliqué que son Etat et d'autres étaient dans leur droit car ils risquaient de perdre de l'argent destiné notamment à des projets militaires et à l'aide d'urgence en cas de catastrophe.
Selon lui, la construction de ce mur frontalier n'a aucun caractère d'urgence, et "la meilleure preuve est probablement contenue dans les propres mots du président".
De fait, au cours de sa conférence de presse consécutive à sa décision, Donald Trump avait lui-même lâché: "Je pourrais faire le mur en plus longtemps (...) Je n'avais pas besoin de faire cela mais je préfère que cela aille vite".
Alors que les candidatures se multiplient du côté démocrate en vue des primaires à la présidentielle de 2020, le républicain espère galvaniser sa base électorale sur la question de l'immigration. Et une guérilla judiciaire pourrait y contribuer.
Il avait en tout cas anticipé et intégré dès vendredi des poursuites judiciaires contre sa déclaration d'urgence nationale, en prévoyant même quel tribunal serait sollicité. "Nous aurons éventuellement une mauvaise décision, puis nous aurons une autre mauvaise décision, puis nous finirons devant la Cour suprême où nous avons bon espoir d'avoir une décision équitable, et nous allons gagner devant la Cour surpême".
Sa confiance dans la plus haute juridiction du pays s'explique sans doute par la présence des juges conservateurs qu'il y a nommés.
- Promesse électorale -
Sauf suspension par décision de justice, la déclaration d'urgence nationale devrait permettre à Donald Trump de contourner le Congrès afin de débloquer des fonds fédéraux (notamment destinés au Pentagone) et construire le mur censé endiguer l'immigration clandestine.
Au total, et en comptabilisant les 1,4 milliard de dollars débloqués par le Congrès, il pourrait, selon la Maison Blanche, disposer de quelque 8 milliards pour la réalisation d'une de ses principales promesses de campagne.
Le désaccord entre le camp Trump et les démocrates entraîné un "shutdown" (fermeture partielle de l'administration) record de 35 jours.
Au-delà des démocrates, plusieurs sénateurs républicains ont critiqué la déclaration d'urgence en affirmant qu'elle créait un précédent dangereux et outrepassait les pouvoirs de l'exécutif.
Des experts en droit ont critiqué la décision du président. Toutefois, la loi de 1976 qui l'a rendue possible "ne donne aucune limite explicite à ce qui constitue ou pas une urgence nationale", a expliqué à l'AFP Jennifer Daskal, professeur de droit à l'American University.
Des présidents américains ont déjà eu recours à cette procédure, mais face à des menaces paraissant plus immédiates, comme le républicain George W. Bush après les attentats du 11 Septembre 2001 ou le démocrate Barack Obama en pleine épidémie de grippe H1N1.
Avec AFP