En cause sont les cartes des circonscriptions parlementaires de la Caroline du Nord et de la Virginie, deux Etats républicains qui comptent une importante communauté noire.
Les législateurs locaux sont accusés d'avoir concentré les Noirs en redessinant certaines circonscriptions, afin de diluer leur influence dans d'autres circonscriptions.
Derrière cette distribution ethnique, qui atteint des sommets de précision, se cache un calcul politique: les Noirs sont supposés voter très majoritairement pour les démocrates. A l'opposé, les Blancs penchent davantage pour les républicains.
Plus de 50% de Noirs
"Les législateurs disposent d'une grande latitude pour tracer les cartes des circonscriptions, mais ils ne doivent pas cibler à dessein les électeurs des minorités et rogner leur pouvoir politique à des fins politiques", déclare The Campaign Legal Center, qui a transmis à la Cour suprême un mémoire en ce sens.
Cette organisation cite l'exemple de deux circonscriptions de la Caroline du Nord, dont la carte électorale fut redessinée en 2011, quelques mois après que le président démocrate Barack Obama, cible des conservateurs du Tea Party, eut perdu sa majorité à la Chambre des représentants.
"En augmentant exprès (au-dessus de 50%) la concentration des électeurs noirs (dans les circonscriptions) CD 1 et CD 12, où les électeurs noirs étaient déjà constamment en mesure d'élire les candidats de leur choix, l'Assemblée générale (de la Caroline du Nord) a cherché à atténuer l'influence de l'électorat noir dans d'autres régions de l'Etat", affirme The Campaign Legal Center.
Les deux Etats mis en cause se défendent de toute stratégie partisane et assurent avoir revu leur carte électorale conformément au Voting Rights Act de 1965, qui a rendu illégales les discriminations raciales dans les scrutins américains.
Ce texte fondamental demande aux Etats de prendre en compte la situation des minorités locales, mais sans que ceci ne devienne le premier facteur pour tracer les lignes séparant les circonscriptions.
C'est dire combien délicate est la question présentée lundi aux huit sages de la Cour suprême, qui en 2014 se sont penchés sur une affaire similaire concernant l'Alabama: où s'arrête le charcutage électoral fondé sur des critères politiques - une pratique tolérée dans une certaine mesure - et celui fondé sur des critères raciaux, qui est lui prohibé ?
Interdit aux salamandres
Il faut dire que la science du découpage électoral est une antique recette des partis politiques américains pour s'assurer des avantages.
La technique est appelée "gerrymandering", un mot-valise composé du nom d'un gouverneur républicain du XIXe siècle, Elbridge Gerry, et de la deuxième partie de "salamander".
Gerry avait en effet remanié une circonscription de son Etat au point de lui donner la forme d'une salamandre (en anglais: "salamander").
Ce découpage est devenu le synonyme d'un remaniement arbitraire de la carte électorale pour avantager un parti.
Ce débat s'inscrit dans un contexte de critiques renforcées du système électoral américain, après la défaite dans la course à la Maison Blanche de la démocrate Hillary Clinton, qui a largement perdu au nombre de grands électeurs tout en obtenant nettement plus de voix que le républicain Donald Trump.
Dans divers Etats, des associations ont par ailleurs dénoncé l'influence de législations récentes, censées lutter contre la fraude mais à l'objectif non avoué d'écarter les minorités.
Par exemple, la majorité républicaine de l'Etat de Caroline du Nord avait adopté en 2013 une loi interdisant aux électeurs de s'inscrire le jour même du vote, ou les obligeant à présenter un certain type de photo d'identité.
Une cour d'appel fédérale a toutefois annulé fin juillet des pans entiers du texte, jugeant que ces mesures "cibl(aient) les Noirs avec une précision quasi-chirurgicale".
Avec AFP