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Les femmes de la "nation tailleur-pantalon" vibrent dans une Amérique divisée


La candidate à la présidentielle Hillary Clinton attend dans un ascenseur avant le concert de Katy Perry à Philadelphie, Pennsylvanie, le 5 novembre 2015.
La candidate à la présidentielle Hillary Clinton attend dans un ascenseur avant le concert de Katy Perry à Philadelphie, Pennsylvanie, le 5 novembre 2015.

Le groupe est soudainement apparu sur Facebook dans les derniers jours de la campagne électorale américaine, unissant des supporteurs de Hillary Clinton qui voulaient démontrer avec humour et force leur soutien à la démocrate jusque dans les bureaux de vote.

Près de quatre mois après la victoire surprise de Donald Trump, la "Pansuit Nation" --nommée en hommage aux fameux tailleurs-pantalons de la candidate--, vibre de milliers de témoignages en grande majorité réconfortants, mais aussi parfois déchirants, de femmes et de leurs proches, affectés par la nouvelle présidence du républicain.

"Il est facile de perdre espoir en tant que soutiens de Hillary Clinton, en tant que progressistes et démocrates, et de se sentir seuls", confie Libby Chamberlain, fondatrice du groupe privé sur Facebook désormais fort de près de quatre millions de membres.

"Un grand nombre de nos membres n'ont personne pensant comme eux dans leur entourage", explique-t-elle à l'AFP. "Ils ne peuvent pas aller chez le voisin pour déplorer ce qui se passe dans le pays mais ils peuvent se retrouver dans cet espace en ligne."

A 33 ans, Libby Chamberlain gère le groupe "Pantsuit Nation" dans une chambre d'amis chez elle, dans la petite ville côtière de Brooklin située dans le nord-est verdoyant des Etats-Unis.

Jonglant à l'époque entre deux emplois à mi-temps dans des écoles, c'est avec une consigne amusante qu'elle décide de lancer le groupe le 20 octobre: encourager les électrices de Hillary Clinton à aller voter le 8 novembre vêtues de tailleurs-pantalons, "la" tenue de prédilection de l'ancienne secrétaire d'Etat.

En une nuit, le groupe attire plus de 24.000 membres. Portée par la frénésie d'une campagne au ton particulièrement acerbe et par les commentaires sexistes de son opposant républicain, cette nouvelle "nation" a rapidement pris de l'ampleur, jusqu'à recenser 3,1 millions de membres le jour de l'élection.

Ce soir là, les vidéos d'électrices vêtues de tailleurs-pantalons colorés et de chorégraphies spontanées dans les rues américaines ont rapidement laissé place à des messages angoissés, mêlant désespoir et colère à mesure que la victoire de Donald Trump se confirmait.

Aujourd'hui, les témoignages continuent d'affluer, les membres décrivant l'impact sur leur vie du décret anti-immigration, leurs angoisses face à la perspective de l'abrogation de la loi sur la santé Obamacare ou leur indignation devant les menaces pesant sur le droit à l'avortement.

"Parlez à vos enfants, prenez en compte leurs peurs et inquiétudes", écrivait récemment une enseignante. "Beaucoup d'entre nous n'auraient jamais imaginé avoir à parler d'+attraper par la chatte+, d'amis expulsés ou de guerre nucléaire", poursuivait-elle en référence notamment à une célèbre phrase de Donald Trump.

Et une autre internaute d'estimer, sous les témoignages de Noirs américains: "Je ne supporte pas Trump ou son cabinet... Et pourtant, la seule chose qu'il ait peut-être fait de bien (même si je suis sûre qu'il l'ignore) c'est d'avoir fait se rapprocher autant de gens."

Pour Libby Chamberlain, "ce pays a soif d'histoires personnelles qui humanisent l'impact des politiques adoptées".

"Ca permet aux gens de se raccrocher à quelque chose --de l'espoir, le sentiment d'être ensemble-- et de se sentir encouragés à agir, sous la forme qu'ils choisissent".

La jeune fondatrice assure ne pas tirer de bénéfices de l'essor considérable de "Pantsuit Nation". Elle est d'ailleurs en train de l'enregistrer comme organisation à but non-lucratif, afin aussi que le groupe puisse se développer au-delà de sa page Facebook.

Elle espère pouvoir bientôt embaucher trois ou quatre employés pour relever certains des 65 volontaires qui, en plus de gérer la page Facebook et autres réseaux sociaux, soutiennent une vingtaine de branches locales du groupe.

Libby Chamberlain rassemble également des témoignages pour un livre à paraître le 9 mai, ce qui lui a valu des critiques, certains l'accusant de vendre les histoires des autres. Elle s'en défend, assurant que les témoins sont heureux de participer et que son but ultime, "même s'il est peut-être naïf et impossible", est que le livre puisse toucher des gens qui ne seraient peut-être jamais arrivés sur le groupe Facebook.

"Je veux créer du changement, aider le dialogue, et pousser Pantsuit Nation aussi loin que je puisse pour peser sur les futures élections", témoigne-t-elle.

Les prochaines semaines seront décisives pour l'évolution du groupe, estime Linda Fowler, professeur de science politique à l'université américaine de Dartmouth College.

Avec AFP

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