Quasiment inconnu jusqu'à récemment, le milliardaire Tom Steyer a dépensé des millions de dollars avant la primaire démocrate de samedi dans l'Etat de Caroline du Sud, ciblant avec succès l'électorat afro-américain en promettant notamment de dédommager les descendants d'esclaves.
La ville de Charleston, dans cet Etat du Sud des Etats-Unis, a été le port d'entrée dans le pays de 40% des esclaves africains en plein commerce triangulaire, qui a débuté il y a 400 ans.
L'ancien gestionnaire de fonds d'investissement a inondé la Caroline du Sud de publicités promettant d'indemniser les descendants d'esclaves et d'investir dans des communautés noires et universités historiquement marginalisées.
"Il faut dire la vérité sur ce qui s'est passé", plaide le milliardaire californien depuis un restaurant mexicain dans la ville balnéaire de Myrtle Beach, quelques jours avant la primaire démocrate de l'Etat.
"Il faut réparer ce qui a été fait pour aller de l'avant", martèle-t-il, les manches de sa chemise bleue ciel relevées, devant une centaine d'enthousiastes.
"Tom Steyer apporte quelque chose de rafraîchissant", salue auprès de l'AFP Teresa Skinner, infirmière à la retraite. Il veut "nous rendre meilleurs, car pour l'instant nous sommes une nation divisée", estime-t-elle.
Illustre inconnu jusqu'ici, M. Steyer pointe en troisième position des sondages dans cet Etat, derrière l'ancien vice-président Joe Biden et le grand favori pour l'investiture démocrate Bernie Sanders.
- 60% de l'électorat -
"Cela est principalement dû au fait que Tom Steyer a adopté une position très engagée sur les réparations envers les Afro-américains", analyse auprès de l'AFP Robert Green, historien à l'université de Claflin, pour qui le sujet n'est "pas traité par les autres candidats".
Les seuls aspirants démocrates noirs à la Maison Blanche se sont déjà tous retirés de la course.
La proposition de Tom Steyer est extrêmement populaire auprès des Noirs, qui représentent plus de 60% de l'électorat de Caroline du Sud. Elle pourrait, estime l'universitaire, résonner au-delà, dans le reste du pays.
D'autres candidats à l'investiture démocrate ont accepté -- s'ils étaient élus -- de réunir un comité pour étudier la question des réparations aux descendants d'esclaves, mais le milliardaire de 62 ans est le seul à en avoir fait une pierre angulaire de sa campagne.
L'idée ne date pas d'hier, mais a pris de l'importance ces dernières années.
En avril dernier, des étudiants de l'université de Georgetown à Washington ont par exemple voté pour la création d'un fonds destiné à indemniser les descendants de 272 esclaves de l'établissement jésuite, vendus en 1838 pour financer son fonctionnement.
- Un "guignol" -
Mais la question fait débat, notamment sur les montants à allouer ou sur sa mise en oeuvre.
"Je pense que c'est important. Il faut se pencher sur le sujet", juge Ama Saran, une Afro-américaine militante de Joe Biden. "Mais nous devrions planifier ça parce qu'il y a beaucoup de divisions parmi les personnes qui auraient droit à des réparations. Les gens ne sont pas du tout d'accord sur ce que cela signifie", avance la retraitée.
Les détracteurs de Tom Steyer considèrent qu'il utilise, comme Michael Bloomberg, l'autre milliardaire de la course démocrate, des ressources quasi illimitées pour "acheter" l'élection.
"Tom Steyer, quel guignol", a commenté le président Donald Trump, qui brigue un second mandat. "Il n'a aucune chance (de l'emporter), c'est un 'loser', il ne mérite pas votre vote, Caroline du Sud!"
Son concurrent Joe Biden s'est lamenté lui récemment sur la chaîne CBS de voir M. Steyer dépenser "des millions de dollars en campagne" -- 23,6 millions en publicités dans la seule Caroline du Sud, selon le cabinet Adversiting Analytics.
Le milliardaire insiste que son soutien grandissant dans cet Etat est dû à son message, pas à son argent.
Son porte-parole Alberto Lammers a assuré à l'AFP que le candidat, qui n'est pas issu du monde politique, avait dû investir des sommes importantes pour se faire connaître: "Ce qui résonne, c'est son message, et le public répond à cela".