D'un imam annonçant que des musulmans avaient collecté des dizaines de milliers de dollars pour leurs frères juifs au message de solidarité du président israélien Reuven Rivlin et aux promesses d'aides de chrétiens, les habitants de Pittsburgh se sont tenus côte à côte, d'une seule voix, contre l'antisémitisme.
"Je suis une victime. Je suis un survivant. Je suis en deuil", a déclaré le rabbin Jeffrey Myers de la synagogue Tree of Life ("L'arbre de vie") qui a aidé à mettre des fidèles à l'abri lorsqu'un homme lourdement armé a fait irruption samedi en plein office religieux en ce jour de chabbat.
"Sept membres de ma congrégation sont morts dans mon sanctuaire. Ce lieu saint a été souillé", a-t-il dit.
"Les mots de haine ne sont pas les bienvenus à Pittsburgh", a-t-il lancé, des paroles qui lui ont valu une ovation lors d'une cérémonie organisée dans un grand auditorium de style néoclassique du centre de la ville, un hommage aux 11 personnes tuées dans cette attaque. Cinq étaients âgées de 75 ans ou plus, incluant une dame de 97 ans, Rose Mallinger.
"Cessez le langage de la haine... Mesdames et messieurs, cela doit commencer par chacun d'entre vous et par nos leaders", a-t-il plaidé, disant ne pas vouloir viser un ou des personnes en particulier. "Mes mots s'adressent à tous".
Sa voix nouée de sanglots, le rabbin a mis fin à la cérémonie par une prière en hébreu, essuyant les larmes glissant sur ses joues, dans cet auditorium du centre de Pittsburgh, ville de Pennsylvanie qui a érigé sa fortune sur l'acier, se félicite des succès de ses équipes sportives, de ses ses racines ouvrières et de sa tolérance.
- "Ville de compassion" -
Les noms des 11 personnes assassinées étaient inscrits sur des écrans géants, suivis de paroles d'Abraham Lincoln, lors de la cérémonie traduite en langage des signes.
"Nous allons vaincre la haine par l'amour. Nous serons une ville de compassion qui vous accueille tous, quelle que soit votre religion, d'où que vienne votre famille", a promis le maire de Pittsburgh, Bill Peduto.
"Il nous faut mettre fin à l'antisémitisme et à la haine en ligne et les repousser hors des discussions publiques dans cette ville, dans cet Etat et dans ce pays", a-t-il dit.
Le gouverneur de la Pennsylvanie, Tom Wolff, des membres du Congrès américain et le milliardaire Ronald Lauder, président du Congrès juif mondial, ont assisté à cette cérémonie en hommage aux victimes.
La foule endeuillée a chanté les hymnes nationaux américain et israélien, ainsi que le "God Bless America" d'Irving Berlin, avec une chorale afro-américaine sur la scène.
La cérémonie s'est terminée par la prestation d'un quatuor de musiciens l'Orchestre de Pittsburgh qui a interprété deux oeuvres, dont l'une écrite par un survivant de la Shoah dont la famille a péri lors de la "Nuit de Cristal", un pogrom antijuif mené en novembre 1938 par les nazis.
Wasi Mohammed, chef du Centre islamique de Pittsburgh, a annoncé que des musulmans avaient amassé en moins d'une journée plus de 70.000 dollars pour venir en aide aux Juifs de la ville, une nouvelle qui a font bondir la foule dans une ovation spontanée.
"Nous voulons simplement savoir ce dont vous avez besoin. S'il s'agit de plus d'argent, dites-le nous. S'il s'agit de personnes à l'extérieur (de la synagogue) pour vous protéger lors du prochain office, dites-le nous et nous serons là", a-t-il promis.
- Brisé -
Le ministre israélien de l'Education Naftali Bennett, qui avait pris un vol de nuit pour assister à l'hommage aux victimes de Pittsburgh, a dénoncé l'attaque antisémite la plus meurtrière de l'histoire des Etats-Unis.
"Près de 80 ans après la Nuit de Cristal, lorsque les Juifs d'Europe ont péri dans les flammes de leurs sanctuaires, une chose est claire", a-t-il déclaré, avant d'ajouter: "L'antisémitisme, la haine du Juif n'est pas un souvenir lointain... ou un chapitre dans les livres d'histoire, mais une menace réelle".
"Nous ne resterons pas silencieux. Nous allons le surmonter. L'unité vaincra la division. L'amour triomphera de la haine. La lumière vaincra les ténébres"
A l'extérieur, des milliers de personnes ont bravé le froid et la pluie pour écouter la retransmission sur des haut-parleurs de cet hommage de 90 minutes, selon les responsables.
"C'était beau, c'était triste, c'était plein d'espoir et ça reflétait vraiment Pittsburgh", a confié sur place Mark Dixon, un cinéaste de 42 ans, grelottant à l'extérieur. "J'adore cette ville et cela me fait mal de la voir brisée, même par un moment de haine, alors je me suis dit que je devais être présent à cette cérémonie qui rejette la haine".
Avec AFP