Vers 23H00 GMT, le Chicago board options exchange (Cboe), une des deux plateformes boursières américaines de contrats à terme, doit donner le coup d'envoi à des échanges d'instruments financiers permettant de prévoir aujourd'hui à quel prix on achètera le bitcoin dans un certain temps, et donc de parier sur son évolution.
"C'est l'équivalent de ce que serait le tout premier trajet en Uber ou Lyft ou la toute première location d'appartement via Airbnb", résume Bob Fitzsimmons, responsable des contrats à terme chez Wedbusch Securities.
Le Cboe donne au bitcoin "de la légitimité car il reconnaît que le bitcoin est un actif comme un autre (dollar, euro, pétrole, gaz, soja, NDLR) qu'on peut échanger", ajoute Nick Colas, expert chez Data Trek Research.
- Garde-fous -
Si elle ne lève pas les doutes entourant la monnaie virtuelle, cette décision est de nature à vaincre les réticences des investisseurs professionnels à investir dans le bitcoin qui s'échange pour l'instant essentiellement sur internet sans être régulé. Une absence de contrôle qui en a fait un actif prisé des malfrats et autres trafiquants souhaitant blanchir de l'argent sale.
Le bitcoin, dont l'émission a commencé en 2009, a d'ailleurs flambé cette semaine au point de dépasser les 17.000 dollars l'unité en anticipation de la reconnaissance du Cboe.
Les échanges seront électroniques et le prix de départ s'appuiera sur le cours du bitcoin en vigueur sur la Bourse d'échanges spécialisée Gemini, fondée en 2015 par les frères Tyler et Cameron Winklevoss, rendus célèbres par le film "The Social Network" sur l'histoire de Facebook. Ils ont investi onze millions de dollars dans le bitcoin dès 2013 et en seraient devenus cette semaine les premiers milliardaires, selon Bloomberg.
Le Cboe indique avoir mis des garde-fous pour éviter des fluctuations folles: il suspendra par exemple les échanges pendant deux minutes si les prix des produits augmentent ou chutent soudain de 10%. L'arrêt sera de cinq minutes si les mouvements à la hausse ou à la baisse atteignent 20%.
Le Cboe "travaille en étroite collaboration avec la CFTC (autorité de régulation des marchés à terme et des produits dérivés aux Etats-Unis, NDLR) pour surveiller et contrôler les échanges et en renforcer la transparence", souligne l'opérateur boursier.
Malgré ces assurances, nombreux sont les experts qui mettent en garde sur une possible manipulation des échanges.
Coinbase, une plateforme d'échanges de bitcoin sur internet comptant de nombreux particuliers, a temporairement été hors service cette semaine. Elle a envoyé vendredi un message à ses utilisateurs dans lequel elle met en garde contre une "extrême volatilité" du bitcoin.
- 'Manipulation' -
"Nous demeurons inquiets sur l'absence de transparence et de régulation" du bitcoin et "nous demandons si les échanges vont être contrôlés de façon appropriée afin de s'assurer que le (bitcoin) n'est pas objet de manipulation et de fraude", écrit la FIA, association regroupant les grandes banques faisant l'interface entre investisseurs sur le marchés des contrats à terme.
En conséquence, JPMorgan, Bank of America Merrill Lynch, Citigroup et Barclays ne joueront pas les intermédiaires ce dimanche pour leurs clients (sociétés d'investissements, de capital-investissement, etc) voulant investir dans les produits bitcoin, ont indiqué à l'AFP des sources proches du dossier.
Morgan Stanley et Société Générale étudient encore la question, selon des sources distinctes.
Seules Goldman Sachs et ABN Amro ont accepté de jouer les interfaces pour un nombre de clients triés sur le volet afin de minimiser les risques attachés à la volatilité du bitcoin, ont-elles fait savoir à l'AFP.
Pour éviter de mauvaises surprises, Wedbush Securities, une des petites firmes qui sera présente, a décidé d'augmenter les marges et les dépôts de garantie exigés de ses clients.
"Nous nous sommes assurés que nos clients et notre firme sont protégés", affirme M. Fitzsimmons.
Le marché des contrats à terme n'est accessible que via des grandes banques et maisons de courtage agréées, qui s'engagent à régler en dollars aux investisseurs l'argent qui leur est dû. Elles s'exposent à des risques importants si leurs clients ne peuvent payer.
Outre le Cboe, le CME (Chicago Mercantile Exchange), autre opérateur boursier mondial, compte lancer des échanges de produits en bitcoins le 18 décembre et devrait être suivi en 2018 par le Nasdaq, la plateforme des géants de la Silicon Valley tels Google et Facebook.
Avec AFP