Une manifestante de 27 ans, Jurubith Rausseo, a été tuée d'une balle dans la tête pendant une manifestation contre M. Maduro mercredi à Caracas, a affirmé l'Observatoire vénézuélien des conflits sociaux, proche de l'opposition.
Les services sanitaires du quartier de Chacao à Caracas, contrôlé par l'opposition, ont par ailleurs fait état de 46 blessés, dont deux par arme à feu, dans de nouvelles échauffourées entre forces de l'ordre et manifestants, en marge d'un défilé des partisans de Juan Guaido dans la capitale. La veille, des affrontements avaient déjà fait au moins un mort et des dizaines de blessés, selon le gouvernement et l'opposition.
Jets de pavés et cocktails Molotov, barricades incendiées: près de la base militaire aérienne de La Carlota, d'où Juan Guaido avait assuré mardi avoir le soutien d'un groupe de soldats, des dizaines de protestataires au visage couvert ont fait face mercredi aux forces de l'ordre, qui ont riposté par des tirs de gaz lacrymogène.
Après plusieurs heures d'affrontements, une trentaine de protestataires ont mis le feu à une camionette et l'ont lancée contre les grilles de la base, selon des journalistes de l'AFP sur place. Un manifestant a tiré en direction des militaires, et ces derniers ont riposté de plusieurs rafales.
"Nous vivons un enfer. Je fais confiance au peuple de la rue pour faire exploser la marmite", déclarait à l'AFP Evelinda Villalobos, une manifestante de 58 ans.
Si les habitants de Caracas sont sortis en masse en soutien à M. Guaido, ce dernier ne semble pas avoir réussi son pari de faire de cette journée du 1er-Mai la "plus grande manifestation de l'histoire du Venezuela".
"Demain, nous allons accompagner la proposition de grève tournante (faite par les travailleurs) pour arriver à la grève générale", a déclaré devant des milliers de partisans l'opposant de 35 ans, reconnu comme président par intérim par une cinquantaine de pays dont les Etats-Unis.
- "Continuer dans la rue" -
"On va continuer dans la rue jusqu'à obtenir la liberté", a assuré M. Guaido, chemise blanche aux manches retroussées, juché sur un véhicule équipé d'enceintes.
La veille, il avait appelé l'armée à se soulever contre le pouvoir. Mais cette tentative d'insurrection s'est dégonflée au fur et à mesure que les principaux chefs militaires réaffirmaient leur soutien au socialiste Nicolas Maduro.
Devant plusieurs milliers de ses partisans rassemblés pour la Fête du travail devant le palais présidentiel de Miraflores, M. Maduro a averti qu'il n'aurait "aucune hésitation" à "mettre derrière les barreaux les responsables de ce coup d'Etat criminel", orchestré selon lui par John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale du président américain Donald Trump.
"Hier (mardi), une poignée de traîtres happés par la droite putschiste a voulu s'imposer (...) Ils ont fui d'ambassade en ambassade, la justice les recherche et bientôt ils iront en prison pour payer leur trahison et leurs délits", a affirmé le chef de l'Etat.
Mardi, après l'échec du soulèvement, un groupe d'insurgés avait demandé l'asile à l'ambassade du Brésil. Une des figures de l'opposition, Leopoldo Lopez, qui était assigné à résidence depuis 2017 et était apparu aux côtés de M. Guaido et des militaires insurgés, s'était pour sa part réfugié dans l'ambassade du Chili, puis dans celle d'Espagne.
A Washington, le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a prévenu qu'"une intervention militaire (était) possible. Si c'est nécessaire, c'est ce que feront les Etats-Unis".
Lors d'un entretien téléphonique mercredi avec son homologue russe Serguei Lavrov, Mike Pompeo a accusé Moscou de "déstabiliser" le Venezuela, et de nouveau demandé à la Russie de cesser de soutenir Nicolas Maduro.
M. Lavrov a rétorqué que "l'ingérence de Washington dans les affaires du Venezuela est une violation flagrante du droit international" et que "cette influence destructrice n'a rien à voir avec la démocratie".
- "Politique américaine risquée" -
Depuis le 23 janvier, le Venezuela, confronté à la plus grave crise de son histoire avec une économie au ralenti, une monnaie naufragée et des pénuries, compte de fait deux "présidents".
"Pour les Etats-Unis, la politique (américaine) au Venezuela est très risquée. Il n'y a aucune garantie de succès, à court ou moyen terme. La plupart des décisions semblent guidées par des idées fausses plutôt que par une stratégie", déclare à l'AFP Michael Shifter du centre de réflexion Inter-American Dialogue, basé à Washington, en qualifiant le geste de mardi de Guaido d'"audacieux".
Quelque 2,7 millions de Vénézuéliens ont fui le pays depuis 2015, face aux pénuries de biens de première nécessité et de médicaments, selon les chiffres de l'ONU.