"Nous avons montré au monde l'importance du Venezuela qui veut un changement. C'est une marche historique. Aujourd'hui débute l'étape définitive de cette lutte", a déclaré Jesus Torrealba, porte-parole des antichavistes, réunis sous la coalition de la Table de l'unité démocratique (MUD, centre droit).
Il a appelé à deux nouvelles journées de mobilisation, les 7 et 14 septembre.
"Entre 950.000 et 1,1 million de personnes" ont manifesté jeudi à Caracas, a-t-il assuré à l'AFP. Il s'agit, selon lui, de "la plus importante mobilisation de ces dernières décennies".
Vêtus de blanc, agitant des drapeaux jaune, bleu et rouge du Venezuela, et des pancartes où l'on pouvait lire "changement" ou "Référendum, maintenant", une marée d'antichavistes, du nom de l'ex-président Hugo Chavez (au pouvoir de 1999 à 2013), a rempli trois larges avenues de l'est de Caracas.
"Soit on sort défiler, soit on meurt de faim, le gouvernement ne nous fait plus peur", a déclaré à l'AFP Ana Gonzalez, 53 ans.
A la "prise de Caracas" des antichavistes, les partisans du chef de l'Etat socialiste répondaient par la "prise du Venezuela", une grande contre-mobilisation dans le centre de la capitale, mais qui apparaissait toutefois moins massive.
"Aujourd'hui, nous avons vaincu le coup d'Etat (...) ils ont échoué une nouvelle fois, la victoire est à nous", a affirmé Nicolas Maduro devant la foule. Il a estimé qu'il y avait "25.000 à 30.000" manifestants dans le camp d'en face.
Les deux rassemblements se sont déroulés sans incident majeur. Quelques affrontements sporadiques et des jets de gaz lacrymogène ont éclaté à la fin du cortège de l'opposition, qui a dénoncé "l'infiltration" de groupes violents. Des incidents ont aussi éclaté à Marcay, dans le centre du pays, et à San Cristobal, dans l'ouest.
- Plusieurs médias expulsés -
Caracas était quadrillée par la police depuis mercredi soir.
Le pari semblait réussi pour l'opposition qui avait fait de cette journée un test. Elle s'est félicitée du caractère pacifique de la marche.
Car malgré la volonté de changer de gouvernement de huit Vénézuéliens sur 10, selon l'institut Datanalisis, les antichavistes n'avaient pas réussi à mobiliser lors des précédentes manifestations. Une faible participation expliquée, selon les experts, par les craintes sur la sécurité, dans un des pays les plus violents du monde.
En 2014, des manifestations antigouvernementales avaient fait 43 morts.
Le Venezuela fait face à une récession économique liée à l'effondrement des prix du pétrole ( 96% des devises du pays) . Faute de dollars pour importer, la pénurie d'aliments et de médicaments atteint un niveau dramatique : 80% sont manquants, selon Datanalisis.
S'y ajoute une crise politique et institutionnelle depuis la victoire de l'opposition aux législatives fin 2015.
Depuis des mois, les antichavistes réclament la tenue d'un référendum révocatoire en 2016, et l'objectif de cette marche est d'accroitre la pression sur le gouvernement pour accélérer le processus.
Les autorités électorales ont dévoilé début août un calendrier qui rend quasiment impossible l'organisation cette année du référendum, évitant ainsi au parti socialiste au pouvoir d'éventuelles élections anticipées.
L'opposition accuse le Conseil national électoral (CNE) d'être à la solde du pouvoir.
Or cette question du calendrier est cruciale. Si le vote est organisé avant le 10 janvier 2017 et couronné de succès, comme le prédisent les sondages, de nouvelles élections seront organisées. Mais s'il se tient après cette date, et que le président est révoqué, il pourra être remplacé par son vice-président.
Jeudi devant ses partisans, Nicolas Maduro a dit avoir un décret prêt pour lever l'immunité des parlementaires, accusant l'opposition majoritaire au parlement de préparer un coup d'Etat avec le soutien des Etats-Unis. Le dirigeant établit un parallèle avec la présidente du Brésil Dilma Rousseff, destituée la veille par le Sénat.
"J'ai la main de fer que (Hugo) Chavez m'a donnée. Que personne ne se trompe avec moi (...) que personne n'utilise l'impunité pour conspirer", a-t-il prévenu, en visant le président du Parlement Henry Ramos Allup.
"Ne perdez pas votre temps en nous menaçant (...) Jamais une telle manifestation pacifique n'avait eu lieu au Venezuela", a rétorqué le leader de l'opposition Ramos Allup.
Ces derniers jours, les autorités ont déjà arrêté plusieurs leaders antichavistes, dont l'ancien maire de Caracas Daniel Ceballos.
Autre signe de fébrilité du gouvernement : l'expulsion de plusieurs correspondants de médias étrangers arrivés au Venezuela.
Avec AFP