Washington a promis les sanctions "les plus fortes de l'histoire" pour faire plier l'Iran, et a réimposé cet été un premier train des mesures qui avaient été levées en échange de l'engagement pris en 2015 par les autorités iraniennes auprès des grandes puissances de ne pas se doter de la bombe atomique.
Malgré les protestations des dirigeants iraniens, des alliés européens de Washington ainsi que de la Chine et de la Russie, le second volet entre en vigueur lundi. Il s'agit de sanctionner, en leur barrant l'accès au marché américain, tous les pays ou entreprises qui continueront d'acheter du pétrole iranien ou d'échanger avec les banques de la République islamique.
"L'objectif est de priver le régime des revenus qu'il utilise pour semer la mort et la destruction à travers le monde", a déclaré le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo.
Huit pays seront toutefois autorisés à continuer d'acheter du pétrole iranien pendant au moins six mois supplémentaires, "mais uniquement car ils ont fait preuve d'efforts importants pour ramener leurs importations de brut vers zéro", a-t-il annoncé.
La liste de ces pays sera connue lundi. A ce stade, on sait que l'Union européenne dans son ensemble n'en fait pas partie mais qu'elle inclut la Turquie. Les observateurs s'attendent à ce que des dérogations soient également octroyées à la Corée du Sud, l'Inde, le Japon et peut-être la Chine.
L'administration de Donald Trump assure que la mise en oeuvre des sanctions sera beaucoup plus "agressive" que par le passé, avec moins de dérogations et plus de contrôles -- les revenus des ventes de pétrole autorisées iront sur des comptes bloqués et sont censés être utilisés uniquement pour l'achat de biens humanitaires par l'Iran.
Le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin a affirmé que 700 noms seraient ajoutées à la liste noire américaine, soit 300 de plus que ceux qui en avaient été retirés après 2015.
Il a aussi dit que les Etats-Unis souhaitaient couper plusieurs institutions financières iraniennes frappées par des sanctions du circuit bancaire international Swift, hormis pour les "transactions humanitaires".
"Swift doit faire un choix: se soumettre à la menace de sanctions américaines ou continuer à faciliter des transactions avec des banques sur liste noire", se réjouit Behnam Ben Taleblu, de l'organisation Foundation for Defense of Democracies qui milite pour une ligne dure.
"Les sanctions vont faire mal", prédit un diplomate européen, alors que l'Iran, son économie et notamment le rial, sa monnaie, souffrent déjà depuis plusieurs mois. Selon lui, "c'est le même plan de bataille qu'avec Kim Jong Un et la Corée du Nord: sanctions, pression maximale et ensuite ils sont prêts à négocier".
L'administration Trump ne cache pas s'inspirer de cette stratégie qu'elle juge couronnée de succès, l'homme fort de Pyongyang s'étant engagé en faveur d'une "dénucléarisation" lors d'un sommet historique avec le président américain après un net durcissement des sanctions internationales.
Le milliardaire républicain répète qu'il est prêt à rencontrer les dirigeants de la République islamique pour négocier un accord global sur la base de 12 conditions américaines: des restrictions beaucoup plus fermes et durables sur le nucléaire que le texte de 2015, jugé laxiste par Washington, mais également la fin de la prolifération de missiles et des activités jugées "déstabilisatrices" de Téhéran au Moyen-Orient (Syrie, Yémen, Liban...).
"C'est un voeu pieux", dit à l'AFP Ali Vaez, de l'International Crisis Group. "Malgré la pression économique, les Iraniens ont pu continuer à soutenir leurs alliés régionaux pendant 40 ans", depuis la révolution islamique de 1979, souligne-t-il.
D'autant que la situation diffère aujourd'hui de celle de 2012, quand Barack Obama avait imposé les sanctions qui seront rétablies.
A l'époque, "le monde était uni derrière les sanctions contre l'Iran", explique Barbara Slavin, du cercle de réflexion Atlantic Council. "Cette fois, il s'agit de l'administration Trump qui tente d'imposer au reste du monde une politique dont la plupart des pays ne veulent pas."
L'UE veut ainsi aider l'Iran à engranger quelques bénéfices économiques de son adhésion à l'accord de 2015, pour éviter qu'il le quitte à son tour et relance la course à l'armement nucléaire.
Au-delà du niveau de pression que les Américains pourront exercer, le flou demeure sur leurs intentions. Mike Pompeo a parlé de "rétablir la démocratie" et, selon Ali Vaez, certains veulent "un changement de régime à Téhéran", avec le risque de favoriser l'aile dure du pouvoir iranien.
Cette stratégie est encore compliquée par le récent refroidissement des relations avec l'Arabie saoudite à la suite du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi. Ryad est un allié-clé de Washington, qui espérait créer une Alliance stratégique du Moyen-Orient, réunissant les pays arabes du Golfe, l'Egypte et la Jordanie pour contrer l'Iran chiite.
"Ce projet est mort en même temps que Jamal Khashoggi", lâche Barbara Slavin.
Avec AFP