"Ce rapport montre qu'en Gambie toute dissidence, réelle ou supposée, reste très dangereuse pour les journalistes, les chefs de l'opposition, les défenseurs des droits humains, les militants, les organisations de la société civile, la population en général et même les représentants du gouvernement", résume l'ONG.
Ces atteintes répétées visant les médias, l'opposition et les militants des droits de l'Homme "ont instauré un climat de peur qui s'est propagé à d'autres composantes de la société dans lesquelles l'autocensure s'impose largement", affirme Amnesty, soulignant "la pratique d'arrestations arbitraires, de détentions au secret et de torture".
"Le prix à payer de la dissidence en Gambie" est apparu clairement lors de la répression de rares manifestations en avril, qui se sont soldées par l'arrestation de dizaines de personnes, dont le chef du Parti démocratique uni (UDP), Ousainou Darboe, et la mort en détention d'un des dirigeants de ce parti d'opposition, rappelle l'ONG.
"A l'heure actuelle, 51 personnes sont en cours de jugement et Solo Sandeng, le secrétaire national à l'organisation du Parti démocratique uni, est mort en détention des suites de tortures perpétrées à l'Agence nationale de renseignement (NIA)", selon le rapport.
"D'autres personnes ont été gravement blessées et torturées à la NIA alors qu'au moins 36 personnes arrêtées lors d'une manifestation le 9 mai 2016 sont actuellement détenues sans inculpation", ajoute Amnesty.
Le président Yahya Jammeh a balayé les critiques de l'ONU et des ONG au sujet de la mort de Solo Sandeng dans un entretien à l'hebdomadaire Jeune Afrique paru cette semaine. "Des gens qui meurent en détention ou pendant un interrogatoire, c'est très commun", a-t-il déclaré.
"L'espace accordé à la liberté d'expression des médias était déjà limité avant les élections de 2011 mais il s'est encore davantage restreint depuis", le scrutin présidentiel d'il y a cinq ans, selon le rapport, citant les nouvelles lois adoptées en 2013 pour "réprimer la dissidence sur internet".
Il s'agit notamment de sanctionner ce que les autorités appellent les "+fausses informations+ sur le gouvernement ou sur les représentants de l'État". "Des lois archaïques, datant de l'ère coloniale, telles que la loi sur la sédition, ont également été utilisées pour étouffer la contestation", précise Amnesty.
Parvenu au pouvoir par un coup d'Etat sans effusion de sang en 1994 puis élu en 1996, et réélu tous les cinq ans depuis, Yahya Jammeh dirige d'une main de fer ce petit Etat anglophone d'Afrique de l'Ouest enclavé dans le territoire du Sénégal, hormis sa façade atlantique. Il est candidat au scrutin présidentiel de décembre.
Avec AFP
Addendum: A Washington, le porte-parole du Département d'Etat américain, John Kirby, a condamné la "sévère réponse" du gouvernement gambien face aux protestataires, y compris le recours à une force excessive par les services de sécurité, les détentions arbitraires et la mort d'organisateurs de protestations.